Murielle Chatelier | Dossier Haïti

Magdala est belle. Jeune, 24 ans, toujours bien mise, elle respire la santé, la joie de vivre, le quotidien qui va bien. Pourtant, depuis sa naissance, en Haïti, elle doit composer avec trop de malheurs. La perte de ses deux parents, la découverte d’une malformation au cœur, le combat perpétuel contre un destin de misère déjà tout tracé. Mais c’est le 12 janvier dernier, lors du tremblement de terre, qu’elle a vraiment failli sombrer. Ensevelie dans la noirceur des décombres d’une maison, son bras tendu vers l’extérieur avec sa main s’agitant comme un drapeau pour la délivrance, elle a du s’accrocher à son bien le plus précieux pour survivre : l’espoir.

Nous étions 5 chez une amie, à faire nos devoirs ensemble, lorsque nous avons ressenti la secousse. Comme c’est déjà arrivé avant, on ne s’est pas vraiment inquiétées. Mais on s’est quand même dirigées vers le cadre de la porte, pour se protéger au cas où. Et en une fraction de seconde, l’inimaginable s’est produit.

Théâtre des rires insouciants des jeunes femmes quelques minutes auparavant, la maison s’est alors effondrée, l’entraînant dans une descente aux enfers.

J’ai senti que je tombais dans les profondeurs, encore et encore, jusqu’à ce que ça s’arrête. J’étais complètement enterrée, sans être morte. Il n’y avait que ma main qui sortait. En dessous de moi, il y avait une de mes amies, celle qui nous avait accueillies chez elle, que j’entendais respirer. Et quelque part, il y avait une autre amie dont la tête sortait des décombres.

Incapable de bouger ou de crier, Magdala s’est mise à se questionner sur l’acharnement du mauvais sort à son endroit. Sans rire, elle dit:

J’ai pensé que c’est une punition qu’on m’infligeait, parce que j’avais des tâches à accomplir ce jour-là et j’ai plutôt été oisive. Je suis restée comme ça, pendant au moins une heure, prisonnière de mes pensées délirantes, de la noirceur et de la douleur.

Alors qu’elle commençait à manquer d’air, que la mort s’insinuait peu à peu sous ses pores, des passants ont aperçu son amie dont la tête pendait dehors et se sont mis au travail pour les déterrer. Son autre amie coincée sous elle respirait encore. À ce moment-là.

À mesure que les gens s’activaient, je l’entendais. Mais ça a pris trop de temps. Elle n’a pas survécu.

Sur les 6 personnes présentes, elles ne furent que 2 à survivre.

Soignez-moi, svp!

Fracturée à la tête, avec une épaule disloquée et un pied cassé, Magdala a été sortie des ténèbres. S’en est suivie une interminable course vers les hôpitaux déjà trop engorgés pour l’accueillir, avec le père de son amie décédée. Ce dernier, encore hébété et sous le choc, s’est résolu à la laisser chez des amis. Les membres de la famille de Magdala, qu’on a réussi à alerter, se sont débrouillés tant bien que mal pour venir la chercher et l’emmener dans un abri improvisé par des médecins dans son quartier. Ils ont soigné ses plaies. Les visibles.

Il y a des moments où je suis triste. Je pense à tous ces amis que j’ai perdus. Mais j’ai foi en des lendemains meilleurs. Je garde l’espoir de finir mes études, obtenir mon diplôme, trouver un emploi. De toute façon, il ne peut rien y avoir de pire que le 12 janvier.

Comme la majorité des Haïtiens, elle dort maintenant à la belle étoile, sur le terrain de son église. À chaque nouvelle secousse, elle tremble encore plus fort que la terre. C’est la peur.

Avec ses cheveux que j’imagine en bataille, Magdala trotte quotidiennement et péniblement vers l’abri des médecins pour faire changer ses pansements. Pour manger, elle s’en remet à l’entraide qui s’est organisée dans son quartier. Les millions de dollars recueillis de part et d’autre du monde entier ne lui parviennent pas. Mais malgré tout, Magdala a su conserver son seul et unique trésor, bien à l’abri au fond d’elle. Espérer, elle continue à le faire.

Résilience, vous dîtes? Oui, ça doit être ça aussi.

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