Entrevue réalisée pour Reflet de Société | Dossier Gambling et jeu compulsif
L’émission Enjeux, de Radio-Canada, pilotée par Anne Panasuk, nous offrait, en 2005, un premier documentaire sur la triste réalité de la présence abusive de Loto-Québec à Schefferville. Un an plus tard, Mme Panasuk retourne à Schefferville pour constater que Loto-Québec n’a apporté aucun des changements promis.
Je me retrouve devant la grande entrée de Radio-Canada. Anne Panasuk me rejoint, toute souriante et désarmante de simplicité. Pour l’occasion, elle a réservé une banquette, dans la «section des riches», à la cafétéria de Radio-Canada, pour y être plus tranquille. Mme Panasuk est une femme ouverte et chaleureuse. Il est facile d’être en relation avec elle.
Il a été très plaisant de rencontrer cette grande dame sensible aux valeurs humaines et sociales. On la sent épanouie dans son travail, heureuse de l’équipe qui l’entoure et soutenue par ses patrons. Des conditions essentielles pour de bons reportages.
Les débuts à Radio-Canada
Son histoire commence à la Basse Côte-Nord. «Je travaillais avec les Montagnais à titre d’anthropologue (étude de l’espèce humaine, des cultures des différentes collectivités, institutions, structures familiales, croyances, etc.). J’avais à retracer les preuves d’utilisation du territoire, qui serviront aux négociations entre les Montagnais et le gouvernement. J’y ai passé plus de 5 années, à tisser des liens privilégiés avec les Innus. J’ai aussi milité pour la ligue des droits de l’homme.
En 1982, Radio-Canada ouvre une station de télévision et de radio à Sept-Îles. Bien que sans formation journalistique, sa connaissance du milieu la favorise pour l’obtention d’un poste.
«Toute une entrée! La première nouvelle que j’ai eue à préparer a été la fermeture de la ville de Schefferville!» nous raconte-t-elle, encore sous l’effet du choc. L’expérience qu’elle acquiert à Sept-Îles lui permettra de se tailler une place dans les grands reportages pour les émissions Zone libre et Enjeux.
Anne se remémore les événements qui ont précédé ses reportages sur les appareils de loterie-vidéo de Loto-Québec. «Il était prévu qu’un reportage soit fait sur la crise suicidaire qui sévit à Schefferville. Un sujet pas très vendeur. Ça fait 10 ans qu’on parle des difficultés des autochtones. Qu’est-ce qu’on pourrait dire de plus ou de nouveau? J’ai tenté de faire le bilan de la crise suicidaire à travers les portraits complices d’une travailleuse blanche et d’une travailleuse sociale Innue», raconte-t-elle, insatisfaite du résultat.
Les yeux d’Anne s’illuminent. «C’est le sens de l’humour des Montagnais. Malgré la crise, un rire qui dédramatise, une façon de se moquer de soi-même. Je n’ai pas réussi à le montrer à l’écran», nous raconte-t-elle encore sous le charme de ce peuple.
Le scandale de Loto-Québec
De retour à Montréal, intriguée par ce qu’elle a vu, Anne appelle Loto-Québec pour se renseigner sur les machines installées à Schefferville. «Un communiqué de Loto-Québec mentionne qu’il y a un programme de retrait de ces machines pour les communautés pauvres. En apprenant qu’il y en a plus que la moyenne nationale, j’en conclus que Loto-Québec va les retirer. Loto-Québec est catégorique. «Non.» Le programme de retrait vise les bars qui ont de 1 à 4 machines. À Schefferville, chacun des deux bars en a cinq!» résume-t-elle, dépassée par l’aberration de la situation. Elle rencontre son patron, Jean Pelletier, qui crie au scandale. «On fait un reportage là-dessus, on y retourne», lui a-t-il dit en gesticulant.
Loto-Québec, muet comme une carpe
Anne commence son enquête. «Loto-Québec ne m’a fourni aucune aide, aucune information, même en passant par la loi d’accès à l’information. J’ai dû appeler chaque établissement un par un, dans plusieurs régions, vérifier le nombre de machines…»
«Les appareils ne sont pas accessibles dans les communautés autochtones. On les retrouve dans les villages avoisinants. Juste à traverser la rue, et le conseil de bande n’a plus de juridiction. Il est impuissant face aux réglementations des blancs.»
«Les deux propriétaires des bars de Schefferville voient le mal que les machines occasionnent. Mais avec des revenus de 4 millions par année, leur procurant près d’un million de ristournes, difficile de dire «non merci.» Quant aux employés de ces bars, ils ne reçoivent pas de pourboire pour échanger tous les tickets qui sortent de ces machines, ni un salaire décent pour gérer la colère de ceux qui perdent leur revenu mensuel», nous décrit-elle, découragée de la situation.
Qui est responsable du jeu compulsif?
«La fondation Mise sur toi et la Régie régionale de la santé sont catégoriques: les communautés autochtones sont de juridiction fédérale. Il n’y a rien à faire. Au fédéral, il n’y a aucun programme pour le jeu compulsif, fait remarquer Anne, incrédule. On se lance les dés d’une juridiction à l’autre. Des autochtones, de juridiction fédérale, perdent des millions dans des machines de juridiction provinciale. Les profits s’en vont aux deux propriétaires de bars et rien ne revient à la communauté pour contrer les effets pervers du jeu».
Les jeunes sont écœurés du gambling des parents
«Pendant ce temps, le bingo retentit à la radio communautaire six soirs par semaine. Le bingo peut même se faire en quatre langues, ce qui augmente le temps de jeu. Même si on perd beaucoup moins d’argent avec le bingo qu’avec les machines, ce sont les jeunes qui souffrent de ne pas avoir de relations avec leurs parents, prisonniers de ce bingo tous les soirs», a-t-elle remarqué. «Les jeunes sont écœurés de perdre leurs parents dans les salles de bingo ou devant les machines. Ils veulent les ranger et les serrer au loin».
Jeu compulsif: une communauté qui se prend en main
«Suite au premier reportage, l’Institut culturel éducatif Montagnais (ICEM) est consterné par ce qui se passe à Schefferville. Il embauche un intervenant et fait rouvrir la maison des jeunes. Celui-ci organise des activités pour les jeunes, répare et rouvre l’aréna. Le directeur de l’école ouvre un club des petits déjeuners. Ni Loto-Québec, ni la Fondation Mise sur toi, ni la Régie régionale de la santé n’ont participé à cet effort pour soutenir les jeunes. Seule la communauté Innue s’est impliquée. Une mobilisation pour réparer les pots cassés par les autres».
L’aide de Loto-Québec, un festival d’humour
«Le directeur général de Loto-Québec, Alain Cousineau, a promis, en conférence de presse, de l’aide pour plusieurs endroits, notamment Schefferville. Mes nombreux appels pour connaître les détails de cette aide demeurent sans réponse. Je venais d’arriver à Schefferville pour préparer mon deuxième reportage, lorsque la fondation Mise sur toi a appelé». Elle me décrit cette scène avec le sourire, presque jouissif, d’un enfant qui vient de prendre quelqu’un en défaut. «La fondation Mise sur toi veut sensibiliser les propriétaires de bar et leurs employés à reconnaître les signes d’un joueur compulsif et comment le référer à une ressource appropriée. Seul hic: il n’y a pas de ressources. De plus, les ressources dans les autres villes doivent être capables de recevoir des gens qui parlent Montagnais ou encore Naskai! Il n’y a même pas un intervenant sur place! Heureusement que les Montagnais ont le sens de l’humour».
«Les deux propriétaires connaissent tout le monde. Ils savent déjà qui a un problème de jeu», affirme-t-elle, découragée. Cette sensibilisation a eu lieu le 27 avril 2006, plus d’une année après le premier reportage d’Anne Panasuk et son équipe.
Loto-Québec veut-il détruire notre société?
«Malgré mes deux reportages, je ne pense pas que Loto-Québec veuille détruire sciemment la société. La société d’État ne réfléchit pas. Elle ne fait que répondre à un mandat du ministère des Finances et agit en conséquence. Il faut poser plus de questions à nos élus. Le jeu représente 4 milliards de revenus par an. C’est 3 centres hospitaliers universitaires par année!» décrit-elle, insultée par la situation.
Retrait des machines de Loto-Québec
«De retour à Montréal, après mon 2e reportage, un cadre de Loto-Québec, M. Vincent Trudel, me contacte pour m’aviser de la décision de Loto-Québec de retirer 2 des 10 machines de Schefferville et diminuer les heures de disponibilité des machines restantes. Cet événement démontre que Loto-Québec peut faire des changements. Pour y arriver, faut-il leur tordre un bras et les acculer au pied du mur?»
Quelques semaines après l’entrevue, Mme Panasuk apprenait que l’un des propriétaires de bar a sorti les machines de Loto-Québec et va fermer son bar. Le conseil de bande a voté une résolution en ce sens.
Félicitations à Mme Anne Panasuk
Je profite de cette occasion pour féliciter Mme Anne Panasuk et son équipe pour la réalisation de ces deux reportages. Les gains obtenus à Schefferville auront été ardus. Ils ont été réalisés grâce à la ténacité, la persévérance et à la qualité du travail journalistique de Mme Panasuk. Son sens de l’observation l’a menée à remettre en question le nombre de machines de Loto-Québec à Schefferville. Cette sensibilité fait d’elle une excellente journaliste. Un journalisme qui fait changer les choses et la société.
Le Journal de la Rue dénonce Loto-Québec depuis 1994. Nous sommes heureux de voir que d’autres médias prennent la relève et questionnent cette société d’État.
Ressources pour le jeu compulsif
- Gamblers Anonymes et Gam-Anon (514) 484-6664 ou 1-800-484-6664
- Narcotiques Anonymes (514) 249-0555 ou 1-800-463-0162
- Nar-Anon (514) 725-9284
- Alcooliques Anonymes (514) 376-9230
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Ressources sur le suicide
- Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Les CLSC peuvent aussi vous aider.
- Tel-jeunes 1-800-263-2266
- Jeunesse, J’écoute 1-800-668-6868
- Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566
- France Infosuicide 01 45 39 40 00 SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
- Belgique: Centre de prévention du suicide 0800 32 123.
- Suisse: Stop Suicide
- Portugal: (+351) 225 50 60 70
Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires
Le guide d’intervention auprès de personnes suicidaires démystifie le suicide. Il permet d’aider les proches à reconnaître les signes avant-coureur du suicide et de déterminer qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la personne en crise.
Une section du guide est réservée aux endeuillés par suicide.
Le livre est disponible au coût de 9,95$. Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009. Par Internet.
Par la poste: Reflet de Société 4260 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X6.
Maintenant disponible en anglais: Quebec Suicide Prevention Handbook.
Survivre, un organisme d’intervention et de veuille en prévention du suicide et en promotion de la Santé mentale. Pour faire un don. Reçu de charité pour vos impôts. Merci de votre soutien.
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Bonjour Denis.
Je connais plusieurs fonctionnaires qui donnent corps et âmes pour leur communauté. Plusieurs d’entre eux font du bénévolat, soutenant les organismes communautaires, leur partageant leurs contacts, leurs expériences…
On ne peut pas les tous les mettre dans le même bain.
Est-ce les fonctionnaires que l’on doit couper ou les petits amis des gens au pouvoir, les lobbys qui ne pensent qu’à leur intérêt…
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Trop de fonctionnaire qui dorme au gaz dans la province de Québec, horaire souple, pas de responsabilité par rapport à leur actes ou décisions, gros fonds de pension.
Un panier de crabe se protégeant les uns les autres. Les roitelets de la nation (fonctionnaires). Nous les gens ordinaires qui travaillons forts, sans fonds de pension certains et dont un frisé malhonnête nous a laissé se faire voler. Une mafia qui gouverne nos élus. Gens ordinaires sans sécurité d’emploi, sans rien et lendemain payons pour tous ces ronds de cuir inutiles. Réveillons-nous et disons à Charest « Tu coupes dans tes sujets né du népotisme ou tu n’auras pas un sous de nous ».
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Je suis confiant aussi. J’ai vu des personnes toxicomanes faire des changements de vie majeur et rapide.
Cette volonté de se prendre en main, autant individuellement que collectivement peut faire de grands changements.
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Je me rappelle le premier reportage de mme Panasuk sur les ravages des machines à sous sur la communauté autochtone de Schefferville.
Depuis quelques années je remarque la volonté de la communauté autochtone de Malioténam (près de 7-Iles) de sortir la drogue de leur milieu. Malheureusement la semaine dernière un bambin laissé sans surveillance à la maison à fait une intoxication au thc en trouvant la drogue de ses parents. Ça va être long mais j’ai confiance que la volonté d’une nouvelle génération d’autochtones de s’en sortir va perdurer.
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