Entrevue avec Philippe Fehmiu

Sur la sellette depuis son congédiement par TQS suite à l’affaire Mailloux, l’animateur Philippe Fehmiu veut semer le bonheur. Avec sa complice de tous les jours, Judy Servay, il concocte un projet de restaurant pour venir en aide au milieu communautaire.

Dominic Desmarais | Dossier Communautaire

Philippe Fehmiu s’excuse. Pris par ses engagements, l’animateur aujourd’hui connu à la grandeur de la province arrive 1h30 en retard. Difficile de lui en vouloir. L’homme est sympathique, avenant. Entre deux appels, une commande au restaurant faite en espagnol qui lui vaut des compliments, l’ancien animateur de Musique Plus et de Loft Story, aujourd’hui sur les ondes de CKOI, dévoile un côté de sa personnalité: l’engagé social.

Il y a 10 ans, avec Judy, la mère de sa petite fille, Philippe offrait son temps au Centre jeunesse Mont Saint-Antoine. Chaque lundi soir, les deux tourtereaux jouaient au billard avec les jeunes ados. Philippe, alors à l’emploi de Musique Plus, invitait des artistes populaires de l’heure à se joindre à eux. Les Dubmatique, Marc Déry y sont allés. «On était des adultes aux rapports conviviaux, qui ne les jugeaient pas», précise le verbomoteur entre deux bouchées. Judy acquiesce. Productrice à l’époque chez Soma Productions, elle travaillait dans le vidéoclip, les publicités, les films et documentaires. Pendant deux ans, ils passeront leurs lundis soirs avec les jeunes. «On repartait en braillant un soir sur deux», se souvient-elle. 1h30 plus tard, Philippe utilisera sensiblement les mêmes mots. Visiblement, le couple est au diapason.

Les ados de la maison Saint-Antoine devenus adultes, Philippe et Judy décident de parrainer chacun un jeune. Judy offre un stage à l’un d’eux dans sa maison de production. Sans trop de succès, finalement. «Il est devenu vendeur de pot…» raconte-t-elle, déçue.

«Le mien valorisait toujours les voitures, l’argent, la violence, se rappelle l’animateur. Son père et son frère étaient en prison. Il est devenu un caïd. Il m’a déjà invité dans une taverne. Il m’attendait avec ses amis, qu’il voulait me présenter…» Ne voulant pas s’associer à des petits truands et au danger que ça représente, il coupe les ponts. «J’ai vécu une déception. Un échec. On a passé deux ans avec eux.»

L’expérience, éprouvante, leur a permis de comprendre qu’ils voulaient bien s’impliquer, mais qu’ils n’avaient pas les capacités de vivre avec cette détresse. Aujourd’hui, ils connaissent mieux leurs limites. Aider, oui, mais pas au prix d’avoir besoin d’aide à leur tour.

Le projet Robin des Bois

Le couple Fehmiu – Servay compte ouvrir un restaurant, Le Robin des Bois, dont les profits seraient versés à des organismes communautaires. L’idée est simple. Par leur concept, ils veulent encourager le bénévolat, l’engagement et le don de soi. Ce qui, souhaitent les deux compères, sensibilisera les gens aux besoins des plus démunis. La plupart des employés seront des bénévoles.

«On s’est inspiré de nos partys de Noël, une tradition de plusieurs années», affirme la productrice. «La publicité, enchaîne Philippe, c’est l’industrie la plus dénudée de valeurs. Les ¾ sont sur la cocaïne, les gens baisent avec n’importe qui, les gens sont tristes. Judy faisait de la pub pour l’industrie. Leurs partys étaient extra-vagants… Des fontaines de champagne, des bateaux… Nous, dans nos partys, on faisait la bouffe tous ensemble, on s’amusait. Comme dans un party! Dans l’industrie, les gens disaient que c’était le seul party où ils étaient heureux le lendemain.»

Leur voyage en Afrique les a également inspirés. Partis visiter la sœur de Philippe et tourner un documentaire sur la tradition orale transmise de père en fils et de mère en fille, ils sont frappés par la place qu’occupe la famille. «Seul, tu n’existes pas. En Guinée-Conakry, on l’a vu tout de suite. Ils sont très pauvres, mais ils partagent tout. Ils sont 4 à 5 autour d’un seul bol de riz. Même s’ils n’ont pas grand-chose à manger, ils rient, ils s’amusent», raconte Philippe.

L’expérience africaine les fait réfléchir. «Quand tu reviens, que tu vois tes amis sur les antidépresseurs, qui suivent un psychologue… Ils gagnent 75 000$ par année… C’est quoi ce vide? C’est ce qui explique la drogue, la dépression, le suicide», souligne Judy qui conclut que le bénévolat aiderait à alléger cette tristesse. «Mais les gens ont besoin d’être structurés, dit-elle en parlant du bénévolat. On l’a entendu 1000 fois: j’aimerais ça faire du bénévolat. Mais ils ne savent pas où, comment» explique-t-elle. «Et les gens ne veulent pas être en contact avec la misère», constate Philippe, qui l’a appris à ses dépens, avec les jeunes du Mont Saint-Antoine. D’où l’idée de trouver une façon d’aider ces organismes qui travaillent en première ligne avec les plus démunis.

On veut leur donner de l’argent pour qu’ils embauchent des employés, plutôt que des bénévoles.» Judy cite en exemple les lignes d’action suicide. Bien que le restaurant ne soit encore qu’un projet – ils cherchent activement un local -, l’engouement est palpable. «En ce moment, nous avons une liste de 300 bénévoles intéressés et nous ne sommes pas encore ouvert. On a de grands chefs (cuisiniers) qui veulent aider, la Caisse populaire va donner de l’argent», s’exclame Judy d’un ton optimiste.

Les deux planchent sur un projet d’émission centré sur le Robin des Bois. À saveur culturelle, l’émission en devenir accueillerait des artistes, des bénévoles, des donateurs et les clients présents dans l’établissement.

Un tel concept intéresserait-il le monde de la télévision? La visibilité toute nouvelle de Philippe Fehmiu suite à sa sortie contre le Doc Mailloux lui servirait-elle? Le principal intéressé le croit mais avance une autre raison. L’émission de Chantal Lacroix, Donnez au suivant, sur le réseau TQS. Une émission centrée sur une chaîne de services rendus. «On a rencontré un diffuseur pour notre documentaire sur la tradition orale en Guinée. On a parlé du resto. La dame n’était pas trop emballée…», confirme celui qui animera le Robin des Bois, le sourire espiègle.

Moi, ça fait 10 ans que j’essaie de faire des shows de bénévolat, avance Judy. Bénévolat, c’est le mot le moins sexy, à la télé…» Philippe regarde sa conjointe, tout sourire. «La femme s’est quasiment mise à bailler quand on en discutait…»

C’était un mercredi. Le lendemain, Chantal Lacroix prenait les ondes avec son émission. Le samedi, dans le journal, un article élogieux vantait les mérites de Donnez au suivant. «Le lundi, c’est elle, la diffuseuse, qui nous parle de l’article… Que le bénévolat, c’est un mouvement à la mode!» Philippe et Judy s’échangent un sourire complice. Leur bonheur est contagieux.

Judy ne regrette pas sa décision d’abandonner l’univers de la publicité. «C’est enivrant de travailler dans un milieu qui n’est pas compétitif. Si on veut nous copier, tant mieux. Mais c’est certain qu’on veut que le projet soit rentable…»

Sitôt ces mots prononcés, Judy ressent un malaise. Comme si associer rentabilité au don de soi sonnait mal.

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