Arman Voskanian a émigré au Canada en 1997. D’origine arménienne, il terminait ses études en France lorsqu’il a fait sa demande pour vivre au Québec. Il m’a raconté ses démarches pour obtenir son visa, son bonheur de vivre ici et les pièges qui guettent les nouveaux arrivants.

Arman Voskanian | Dossiers International, Immigration

Je vis au Québec depuis novembre 1997, c’est-à-dire plus d’un an après avoir commencé mes démarches auprès de la Délégation générale du Québec à Paris. À l’époque, on m’avait demandé d’envoyer un document de deux pages dans lequel je devais relater mes expériences, mes connaissances en français et mes diplômes. Rien de bien officiel. La délégation se sert de ce document afin d’éliminer rapidement les demandeurs qui n’ont aucune chance d’être acceptés. Ceux-là ne le sauront jamais, car, si tu n’as pas de réponse dans les trois mois suivant l’envoi de ton dossier, tu n’as aucune chance.

L’attente d’un immigrant

L’attente est stressante. Je ne savais pas si j’allais avoir une réponse. J’ai attendu deux mois. Puis, j’ai dû remplir le formulaire officiel. Frais de dossier de 300 $, pièces prouvant que je n’ai pas de casier judiciaire, papiers officiels pour mes diplômes. Encore deux mois plus tard, juste avant Noël, la délégation demande à me rencontrer pour une entrevue. On veut vérifier que je parle bien le français. C’est stressant, surtout quand tu n’as pas d’autres choix. Ce n’est pas une entrevue pour un emploi ou une demande de bourse. Avoir été refusé au Québec, j’aurais eu de gros problèmes. Quand j’ai quitté l’Arménie, en 1991, l’économie se dégradait, en raison de l’éclatement de la Russie. Je devais faire la file pendant plus d’une heure juste pour obtenir du pain… Les magasins étaient vides. C’est devenu pire après mon départ.

Quitter l’Arménie

J’ai quitté l’Arménie à 20 ans pour étudier à Paris. J’y ai fait mes études universitaires en informatique, jusqu’au doctorat. Tous les ans, je devais renouveler mon visa d’étudiant. Je ne me sentais pas membre entier de leur société. Je n’appartenais pas à ce monde, malgré mes efforts. J’aurais pu tenter ma chance en Europe, mais c’est beaucoup plus difficile. La droite y est très forte. Elle n’aime pas les immigrants. Je me souviens qu’en France, à l’époque, il n’y avait pas de règles claires, de mécanisme pour accepter les immigrants. J’étais à la merci de la préfecture de police.

Finalement, j’ai reçu une réponse positive du Québec, en janvier 1997. Il me fallait maintenant attendre que le gouvernement fédéral enquête sur moi, pour déterminer si j’étais un danger pour la santé publique ou la sécurité nationale. J’ai attendu six mois. Quelle belle nouvelle! J’en ai pleuré un coup! Dans mes mains, je tenais le papier qui mettait fin à tous mes problèmes.

Arriver au Québec

 Je me souviendrai toujours de cette date: le 10 novembre 1997. Mon arrivée au Québec, ma terre d’accueil. Sitôt débarqué de l’avion, on me dirigeait vers le bureau de l’immigration. Sur place, je me suis inscrit à la demi-journée d’information qui se déroulait deux jours plus tard. Déjà, en France, j’avais reçu de la documentation. J’étais informé sur le logement, la politique québécoise, l’emploi. Lors de ma séance d’information, on m’a donné une liste d’employeurs, des conseils pour faire un curriculum vitæ. On m’a aidé à obtenir mon numéro d’assurance-sociale. J’étais bien encadré! J’étais si heureux d’arriver que ça ne m’aurait pas dérangé de tout faire par moi-même!

Mes premiers jours, j’ai fait le touriste. Quand j’entrais dans un supermarché, l’euphorie s’emparait de moi, juste à regarder toute cette diversité. Je lisais les journaux québécois, je regardais les petites annonces pour un emploi. J’ai envoyé mon curriculum vitæ à une agence de chasseurs de têtes une semaine plus tard. Après 15 jours, on m’a convoqué à une entrevue. J’ai obtenu un emploi dans une petite entreprise de Ville Saint-Laurent, dans mon domaine. Le salaire était bas, mais après environ un an, il augmentait de la moitié! J’y suis demeuré pendant deux ans. Je continue d’ailleurs à voir d’anciens collègues. Depuis six ans, je travaille pour la compagnie de logiciel SAP.

L’intégration au Québec

C’est à l’immigrant de faire les premiers pas. On en discutait, lors d’une des demi-journées d’information, au bureau de l’immigration. Il y en a un qui disait qu’il faut s’intégrer tout en gardant nos valeurs. Je n’étais pas d’accord. Mais, c’est facile à dire quand tu es jeune, que tu parles la langue et que tu as déjà un emploi.
Plusieurs de mes collègues ne parlent qu’anglais. Ils n’ont pas de motivation comme en France pour apprendre le français, car Montréal est bilingue. Ils peuvent toujours se débrouiller. Même s’ils sont de bonne foi, c’est difficile d’apprendre le français. Surtout si tu travailles à temps plein. Le temps manque. Je dirais qu’à Montréal c’est un frein à l’intégration. Il faut faire un effort supplémentaire. J’en connais qui l’ont fait.

Mon premier travail m’a aidé à m’intégrer. On était un groupe de jeunes. Ils m’ont appris les différences culturelles. Je me suis acheté un téléviseur pour regarder les émissions québécoises!

Les pièges de l’intégration

Il faut essayer de ne pas s’isoler dans sa communauté. J’ai fait venir mes parents, que j’ai parrainés. Ils sont arrivés il y a cinq ans. Ils font des efforts, mais ils sont plus vieux. C’est plus difficile pour eux d’apprendre. Encore que, ma mère, après avoir suivi des cours offerts gratuitement, se débrouille assez bien!

Chez les jeunes, ça prend des affinités pour discuter plus profondément. Passage obligé pour développer des amitiés, ce qui n’est pas évident quand tu n’es pas intégré. Alors, tu te tournes vers ta communauté d’origine. Tu vis une situation similaire, tu as les mêmes référents culturels, la même langue. C’est pourtant très humain de se tourner vers sa communauté. Elle t’aide, te réconforte. L’amitié se fait plus facilement. Les risques de ne pas s’intégrer augmentent.

Éviter de s’isoler

Pour l’immigrant, il y a un devoir moral de s’intégrer dans la société qui le reçoit. Il est facile pour un immigrant de s’isoler vers sa communauté ethnique en quête d’amis ou d’aide. Mais ça risque de ralentir l’intégration. Plus on partage les valeurs de la société d’accueil, plus il est facile de s’y intégrer.

À la différence de Paris, on peut vivre très confortablement à Montréal sans apprendre le français, juste avec l’anglais. C’est à l’immigrant de faire l’effort d’apprendre le français, même sans y être poussé par la nécessité du quotidien.

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