J’ai 25 ans. Je suis schizophrène depuis quatre ans. Quand je ne prends pas mes médicaments, des antipsychotiques, j’hallucine.

Martin | Dossiers Santé mentale , Santé

J’imagine que des voix me parlent. Elles me disent des blagues, m’ordonnent des choses plutôt négatives comme de me suicider ou de commettre des meurtres.

Mon histoire débute bien avant l’arrivée de ma maladie. À quinze ans, mes amis m’initient aux drogues. Je commence par fumer du hasch. De temps à autre, puis de plus en plus souvent. Après un an et demi, on me dit que le cannabis est beaucoup plus cool. Je change ma consommation pour le pot. Un an plus tard, j’essaye les champignons, le LSD, la mescaline. À 18 ans, je découvre les raves. J’y prends beaucoup d’amphétamine et d’ecstasy. Je ne savais pas alors que je causais des dommages irréversibles à mon cerveau. Avoir su, je n’aurais pas fait toutes ces expériences avec mon corps.

Symptômes de la schizophrénie

Quand la maladie me frappe, je suis seul dans mon appartement. J’habite un petit deux et demi. Je travaille en soirée. Des conditions de travail exécrables pour un salaire minable. Je fume tout ce que je peux trouver. Malade que je suis devenu, ma vie familiale n’est pas vraiment bonne. Je mens à mon père; la personne que je respecte le plus sur cette terre. Je ne vois plus ma mère.

Chaque soir, j’arrive chez moi et je mets de la musique techno dans mon système de son. En allant me coucher vers trois heures, j’entends de la musique de guerre. Je ne dors pas de la nuit. Je croyais que c’était les voisins. Je me dis qu’ils ont le droit de fêter eux aussi.

Le lendemain, j’écoute encore du techno. Je suis seul. Je fume. Tout à coup, j’ai l’impression que la musique me concerne. Je m’imagine que mes paroles et mes pensées sont entendues. Par la musique, le rappeur répond à mes songes. Le lendemain même chose. Un de mes amis est là. Il me regarde parler au haut-parleur de ma stéréo.

Le surlendemain, je vais voir ma mère. Je n’ai pas encore dormi. Je lui dis toutes sortes de baratin qui n’avait aucun sens. En projetant la bouteille de savon vers ma bouche, je lui dis que ça ne changerait rien si je buvais du savon à vaisselle. Elle appelle l’ambulance. Je me retrouve à l’hôpital psychiatrique. Diagnostique: épisode psychotique (hallucination temporaire.) Je suis enfermé deux mois à l’hôpital.

Après cet incident, je retourne travailler. Je n’en peux plus. Après deux mois, je dis à mon patron que je retourne à l’école. Je m’inscris au centre Champlain, une école secondaire pour adulte.

Après un certain temps, j’ai un autre épisode psychotique. J’ai l’impression d’entendre mes voisins m’adresser la parole. J’ai aussi l’impression que les stations de radio s’adressent directement à moi. L’eau goûte toute de sorte de chose comme le sexe, le poisson, le LSD. Le monde entend mes pensées. J’entends les pensées des autres. Je suis Dieu. Je ne mange plus. Il y a plus de quatre jours que je ne dors pas. J’avise mon père que ça ne peut plus durer et je passe un autre deux mois à l’hôpital.

Nouvelle vie pour un schizophrène

Suite à cela, j’arrête de me droguer. J’arrête même la cigarette. J’obtiens mon diplôme d’études secondaire. Je prépare mon entrée au cégep. Je veux être technicien de laboratoire médical. Je commence le cégep avec une très bonne motivation. Je réussis tous mes cours.

Je reçois 800$ par mois du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Au cours de l’été, on me dit que je n’ai pas le droit de recevoir cette somme et que je dois rembourser ce que j’ai reçu à la dernière session. J’ai accumulé une dette   de 5 600$. Je m’engage à rembourser 56$ par mois. Plus de 100 mois pour tout rembourser!

Je fais une demande de prêt et bourses. Un mois plus tard, la deuxième session commence. Je vais au local de financement étudiant du collège pour recevoir la première partie de mon prêt. On me remet un chèque de 500$. C’est beau. J’achète mon matériel scolaire et paye ma pension. Il ne me reste plus rien. J’appelle l’agent du ministère du Revenu et de la Solidarité sociale pour lui dire que je ne peux pas faire mes remboursements présentement. De plus, je ne sais pas encore combien les prêts et bourses m’accorderont pour la session d’étude. La dame me comprend et me donne un mois de plus pour rembourser les 56$ que je dois.

Une semaine plus tard, je retourne au local de financement étudiant. Un prêt de 250$ m’est accordé. Je l’accepte. Il est déjà dû et il ne me reste plus rien. À la fin de mon temps alloué pour faire face à mon engagement, je rappelle au bureau du gouvernement. Ils me disent qu’ils vont me saisir. Un mois et demi plus tard, je connais finalement le montant de prêts et bourses auquel j’ai droit pour la session en cours. Un gros 1 500$ pour passer quatre mois. Il me reste trois mois d’étude. Il ne me reste que 750$ à recevoir. Je me retrouve rapidement sans un sou et il me reste encore deux mois d’école à faire.

Schizophrénie, travail et études!

Le monde dira que je pouvais aller travailler en même temps. La prise en charge de ma maladie exige beaucoup d’énergie. En plus de mes trente heures de cours, je devais étudier une quinzaine d’heures par semaine. J’ai dû passer beaucoup plus de temps pour trouver de l’argent que pour étudier. Mes notes ont chuté dans la majorité de mes cours.

J’ai abandonné mon rêve de finir mes études. Je suis retourné sur l’aide sociale en attendant de me trouver un emploi. Puisque je suis devenu un nouvel assisté social, je perds le privilège d’avoir mes médicaments payés. En attendant, je dois les quêter à ma thérapeute.

J’aurais aimé partager avec vous une expérience plus heureuse, qui se finit bien. J’avais besoin d’en parler. J’ai voulu prendre une place de citoyen à part entière. J’étais convaincu que j’avais trouvé ma voie et ma réussite. Pourquoi le gouvernement ne met-il pas des programmes spéciaux ou adaptés à ma condition? Est-il plus facile de garder les gens différents sur l’aide sociale toute leur vie que de trouver des façons de pouvoir apprendre à vivre ensemble?

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