Accident avec un poêle à propane

Gérald Dufour du Lac-St-Jean

Reflet de Société vous offre le témoignage de Gérald Dufour, un citoyen du Lac-St-Jean de 56 ans qui s’est battu contre la mort. Avec l’amour de sa famille et de sa conjointe, il doit aujourd’hui réapprendre à vivre. Voici l’histoire de ce miraculé.

Dominic Desmarais | Santé

Le 21 août 2009 restera longtemps gravé dans la mémoire de Gérald Dufour. Cette journée-là, sa vie a basculé à jamais. Ce quinquagénaire de Sainte Jeanne d’Arc, au Lac Saint-Jean, prévoyait se détendre dans l’un des nombreux campings de la région. C’était un début de journée comme les autres. Gérald préparait son café matinal. L’eau bouillait sur son poêle au propane dans sa roulotte. Gérald ne sait pas trop ce qui a causé l’accident: une fuite de gaz, une cigarette allumée au mauvais moment au mauvais endroit. Une explosion le projette 100 pieds plus loin. Malgré la secousse, Gérald demeure conscient. «J’étais en état de choc. Sur l’adrénaline au boutte», dit-il d’une voix détachée, comme si l’accident s’était passé dans une autre vie. Le Jeannois sent son corps s’enflammer. Pour apaiser le feu qui lui brûle les pieds, il saute dans des flaques de boue. Il crie sa douleur, marche pour trouver de l’aide. Il avance ainsi sur 1km avant d’être aperçu par de bons samaritains qui le transportent en voiture jusqu’à l’ambulance qu’ils ont appelé. Gérald est emmené à l’hôpital de Dolbeau. Il n’est jamais débarqué de l’ambulance. «On m’a intubé pour me mettre en coma artificiel. L’ambulance a pris le chemin de Québec pour m’emmener au Centre des grands brûlés, à Québec. Je n’ai rien vu du voyage.» Gérald se réveillera 3 mois plus tard, en novembre.

Entre la vie et la mort

C’est en préparant son souper que Jeanine Dufour, sa mère, apprend la triste nouvelle. La police lui parle au téléphone. À l’hôpital de Dolbeau, on lui dit que son fils est déjà en direction de Québec.

grand-brule-gerald-dufour-sante-hopital Jeanine, 77 ans, et son mari, 80 ans, se tournent vers leur garçon Normand qui habite Montréal. «Mon mari et moi, on ne pouvait pas y aller tout de suite, explique-t-elle, évoquant les 7 heures de route qui les séparent de la capitale. On était vraiment sur les nerfs. C’était très très dur de penser à ce qui lui était arrivé.» L’attente est interminable pour les Dufour. Quand Normand les rappelle de l’hôpital, ils encaissent tout un choc: leur fils est brûlé aux 2e et 3e degrés sur 60% de son corps.

Six jours plus tard, Mme Dufour reçoit un appel de Normand en fin de soirée. Il lui intime de descendre au plus vite. L’état de Gérald s’aggrave. Son mari et elle font le trajet de nuit. Quand elle voit son enfant, sur son lit d’hôpital, elle subit un autre choc. «Il faisait vraiment pitié. Il ressemblait à une momie. On voyait juste son visage. Il était tout croûté. Pas brûlé, croûté.» Réjeanne Dupérré, la conjointe de Gérald, est aussi sur place. «Mon cœur s’est arrêté raide. Lui, il ne s’en rendait pas compte, il était dans le coma. Tu pleures, tu ne sais pas à quoi t’attendre. Tu ne sais pas s’il va survivre à la fin de semaine.»

C’est que les reins du blessé ont lâché. Son médecin traitant ne sait pas s’il va passer la fin de semaine. Gérald est placé sous dialyse. Son état est inquiétant. Le weekend passe. Gérald se bat pour rester en vie. La famille est invitée à repartir. Il demeure toujours inconscient, mais au moins il est en vie. «Le médecin a dit à ma famille: Il se bat. C’est terrible comme il se bat. Il veut vivre. Alors on va tout faire pour l’aider», explique le miraculé qui se l’est fait raconter par ses proches.

Tous les jours de la semaine, son frère Normand appelle l’hôpital le matin à 5h avant de se présenter au travail. S’ensuit une chaîne téléphonique au sein de la famille pour transmettre les nouvelles. Le vendredi, après son travail, il se rend à Québec pour accompagner son frère jusqu’au dimanche. Les autres membres de sa famille, plus éloignés, se relaient aux deux semaines.

Gérald est toujours dans le coma. La famille passe son temps à l’hôpital. Elle y prend ses repas à la cafétéria. «Il ne nous parlait pas. Il ne nous voyait pas. On se relayait pour aller le voir dans sa chambre», se souvient Réjeanne Dupérré, sa conjointe qui revenait toujours bouleversée de ses séjours à Québec. «Une chance que j’avais mes petits-enfants et l’amour de mes trois garçons. C’est ça qui me gardait en vie. Ma petite-fille de 7 ans me disait: si tu as de mauvaises nouvelles de Gérald, on ne veut pas le savoir.  Si tu en as des bonnes, oui! J’avais l’impression qu’elle avait 100 ans», rappelle-t-elle avec gratitude.

Une nuit de trois mois

Gérald s’est réveillé au mois de novembre, trois mois après son accident. «Quand je me suis réveillé, je savais pourquoi j’étais à l’hôpital. Mais je pensais que c’était arrivé la veille.»

Le Jeannois apprend avec consternation qu’il a eu deux arrêts cardiaques et qu’on lui a posé un pacemaker. Ses  saucettes dans la boue, pour apaiser ses pieds en feu, lui ont coûté 3 orteils. Ses reins avaient de la difficulté à fonctionner seuls. Tous les jours, une ambulance l’emmenait dans un autre hôpital pour être placé sous dialyse pendant 4 heures. On le faisait manger à la cuillère. Il n’était pas assez fort pour marcher. La trachéo faite à sa gorge l’empêchait de parler.

Mais le plus dur, pour lui, c’était les cauchemars. Il se voyait exposé dans son garage, l’endroit où il a tant aimé travailler. Les gens venaient le voir et refermaient la porte derrière lui. Sinon, on le transportait dans une usine pour le garder à l’œil. Les gens travaillaient sans vraiment lui porter attention. «Je m’en souviens comme si c’était hier», raconte-t-il avec un frisson dans la voix. Puis il se souvient d’un moment important, alors qu’il était dans le coma. «J’aurais dû décrocher. Mourir. Je voyais une grande chaîne qui tournait. Quand j’arrivais tout en haut, elle tournait de l’autre côté, vers le bas. C’était la fin. Mais j’ai repris mon souffle et je suis redescendu du bon côté. J’avais qu’un soupir à lâcher et j’étais fait. Je basculais.»

La mort rôde

Gérald sort finalement des soins intensifs pour être placé au Centre de réhabilitation François-Charron. Il réapprend à marcher, à parler, fait de la physiothérapie pour déplier ses membres. Plusieurs fois, découragé, il pense tout abandonner. Il se sent comme un enfant qui doit recommencer à zéro. Il s’accroche à son être suprême, comme il l’appelle. «C’est ça, ma motivation. Il y a quelqu’un de plus fort que moi qui ne veut pas que je meure.»

Le jour arrive où Gérald peut enfin prendre congé du Centre François-Charron. Il retourne auprès des siens, chez sa Réjeanne, après 7 mois passés dans un hôpital. «Quand je suis sorti, j’ai eu peur de tout. De conduire, que le feu prenne. J’avais peur d’aller en physiothérapie. Je ne sentais plus mon être suprême. Je me sentais seul dans l’univers.» Gérald rencontrait un psychiatre au Centre François-Charron pour l’aider à composer avec l’explosion qui résonnait sans cesse dans sa tête. «C’était infernal. J’y pense encore, c’est certain. Faut que je vive une journée à la fois. Et si c’est trop, je prends ça deux heures à la fois. Et j’affronte la journée suivante.»

Gérald est trop faible. En juillet, il fait une double bronchite, une double pneumonie. Sa jambe est atteinte de cellulite. Il retourne aux soins intensifs pour deux semaines. «J’ai perdu totalement confiance. J’avais encore peur de tout.» Quatorze jours plus tard, alors chez sa conjointe qui l’héberge, il rechute. Toujours fatigué, ses journées se résumaient à prendre ses médicaments et dormir. Il tombait, étourdi. Réjeanne a appelé l’hôpital. Gérald est retourné deux autres semaines aux soins intensifs.

Le goût de vivre

Gérald vient à peine de regagner sa maison après un an d’absence. Il éprouve de la difficulté à marcher. Il monte et redescend les marches qui mènent à sa chambre de côté. Il peine à rester debout plus de 2 minutes. Il a cependant recommencé à se faire à manger, lui qui était aide-cuisinier dans son autre vie. Il doit retourner voir un plasticien à Québec qui va vérifier les greffes qu’il a aux bras et aux jambes. Il s’attend à recevoir des injections aux doigts qui restent figés, une fois pliés. Il enfile tous les jours ses vêtements compressifs au mercure qui lui serrent la peau pour faciliter la circulation du sang. Mais il s’accroche. Il rend visite à ses parents pour dîner, passe ses fins de semaine avec Réjeanne. Il se bat pour sortir de sa torpeur, pour accepter son nouveau rythme de vie.

Chez lui, seul, il écoute de la musique, il lit. «C’est la lecture qui me tient. Je lis des témoignages de gens qui s’accrochent à un être suprême. Ça me fait du bien.»

Gérald est passé bien près de la mort. Malgré la douleur et les rechutes, malgré le temps qui parfois s’éternise, il se bat. Pour demain, quand il ira mieux. Pour l’instant, il savoure le miracle de sa sainte trinité qui l’a maintenu en vie: la médecine, sa famille et sa volonté.

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