Les subventions à la culture
Nathalie Elgrably-Levy publie une chronique contre les subventions à la culture. Pierre Duhamel lui répond avec une lettre ouverte et lui pointe les innombrables subventions que son employeur reçoit. Guerre à finir en Nathalie Elgrably-Levy et Pierre Duhamel.
Raymond Viger | Dossiers Culture, Média, Économie
Suite aux élections fédérales du 2 mai dernier qui a eu comme résultat de nommer un gouvernement conservateur majoritaire, Nathalie Elgrably-Levy signe le 5 mai un premier billet soulignant l’inquiétude du milieu culturel vis-à-vis de possibles coupures de subventions par le gouvernement de Stephen Harper. Nathalie Elgrably-Levy y propose de rendre accessible les produits culturels, entre autres par l’abolition des taxes pour cette industrie et de laisser les citoyens (et non pas les fonctionnaires de l’État) choisir ce qui mérite d’être acheter et encourages.
Nathalie Elgrably-Levy et la culture
Le premier billet de Nathalie Elgrably-Levy a suscité d’innombrables réactions d’artistes et de personnes sensibles au milieu culturel. Nathalie Elgrably-Levy y va d’un 2e billet mentionnant que les arguments du milieu culturel soulignant qu’il est économiquement rentable de subventionner la culture sont faussés. Ces études additionnent les subventions reçus comme étant des revenus permettant ainsi d’être rentable. Nathalie Elgrably-Levy donne l’exemple suivant:
De nombreux projets et festivals sont défendus selon la méthode charlatanesque des retombées économiques. L’aide octroyée au Cinéma Parallèle pour l’acquisition de salles de l’eXcentris en est un exemple : 2,75 M$ seront versés par la Ville de Montréal, et 1,25 M$, par le ministère de la Culture… un cinéma subventionné pour y visionner des documentaires, dont la production a également été subventionnée.
Nathalie Elgrably-Levy revient avec un 3e billet qui résume la situation:
Pour encourager une industrie, on peut subventionner soit la production, soit la consommation. Dans mon texte du 5 mai dernier, j’ai affirmé ma préférence pour la seconde option parce qu’elle accorde aux Québécois la liberté de choisir quelles activités méritent l’argent et qu’elle préserve la souveraineté du consommateur qui peut ainsi exprimer ses préférences. Quand l’État subventionne la production de matériel artistique ou culturel, les contribuables n’ont pas voix au chapitre. On instaure un système où les goûts des fonctionnaires culturel passent avant ceux des citoyens.
Nathalie Elgrably-Levy accusent certains partisans des subventions qui affirment défendre la culture que ce n’est pas la culture qu’ils défendent, mais les subventions, qu’ils se battent pour l’argent et leurs précieux privilèges.
Lettre ouverte de Pierre Duhamel à Nathalie Elgrably-Levy
Nathalie Elgrably-Levy est économiste senior à l’institut économique de Montréal et publie une chronique dans le Journal de Montréal. Pierre Duhamel, journaliste qui commente l’économie depuis plus de 25 ans donne la réplique à Nathalie Elgrably-Levy dans une lettre ouverte publiée sur le blogue de L’actualité le 8 mai:
Contrairement à vous, je pense d’abord que la vie serait beaucoup plus triste et nos villes beaucoup moins intéressantes sans l’appui aux musées, aux bibliothèques, aux grands orchestres, aux théâtres, aux compagnies de danse, aux festivals, à l’édition et à la production télévisuelle ou cinématographique. Je pense surtout que ces aides et subventions permettent aux artistes qui ont du talent de gagner correctement leur vie et à une industrie d’employer des dizaines de milliers de personnes.
Pierre Duhamel ne croit pas à une culture dépourvue de subventions et qui soit régi à 100% sous les règles de l’offre et de la demande. Pierre Duhamel continue en soulignant que presque tous les pays de tous les temps subventionnent leur culture. Pierre Duhamel questionne ensuite Nathalie Elgrably-Levy sur toutes les subventions que son employeurs reçoit pour la production de contenu culturel.
… 3,9 millions de dollars reçus par TVA Publications en 2010-2011 dans le cadre du Fonds du Canada pour les périodiques. 7 Jours, Échos Vedettes, Le Lundi et TV Hebdo, tous consacrés « à l’actualité artistique et culturelle », ont reçu à eux seuls 2 millions de dollars de subventions. Vous opposez-vous aux crédits d’impôts alloués par la Sodec et le ministère du Patrimoine canadien aux producteurs de plusieurs émissions diffusées sur TVA ? Voulez-vous la fin du Fonds canadien des médias, financé en majeure partie par les télédistributeurs, mais à hauteur de 40 % par le gouvernement fédéral ? Au meilleur de ma connaissance, TVA réclame plutôt une plus grande part du gâteau compte tenu de la popularité de ses émissions et aimerait élargir l’admissibilité de ce fonds à la télé-réalité.
… les subventions du gouvernement du Québec et de la ville de Québec au futur « amphithéâtre multifonctionnel Vidéotron de Québec ». Le Groupe Librex et le Groupe Sogides, deux des parties constituantes du Groupe Livre de Quebecor Media, sont parmi les plus grands bénéficiaires du Fonds du livre du Canada du ministère du Patrimoine canadien et du programme d’aide aux entreprises du livre de la Sodec.
… les subventions de la Sodec au Groupe Archambault qui ont reçu des subventions de 146 000 dollars dans le cadre du soutien aux entreprises de musique et de variété, de 26 465 dollars pour un soutien additionnel aux tournées de Martine St-Clair et de Michel Legrand et de Mario Pelchat, en plus de 40 000 dollars pour subventionner ses activités internet et de téléphone mobile.
Nathalie Elgrably-Levy, position simpliste et extrémiste
La position de Nathalie Elgrably-Levy est un peu extrême et simpliste. On coupe les subventions, on laisse les citoyens décider de ce qui est culturellement acceptable et on se limite à faciliter l’accès à la culture en coupant les taxes sur les produits culturels et en donnant quelques dollars aux citoyens pour qu’ils magasinent.
Pour que le citoyen puisse savoir quelles peintres il aime, pour savoir quel auteur il préfère ou encore s’il est un passionné du Jazz ou d’un autre style de musique, il doit en connaître la différence. Pour se faire, il lui faut un accès à des galeries, des musées, des festivals thématiques… Le citoyen a besoin de choix et de diversités pour pouvoir exercer sa démocratie culturelle. Sur ce point, l’argumentaire de Pierre Duhamel est parfait.
Conseil des Arts et le 1% de la Culture
Il y a cependant une nuance qui n’a pas été soulevé ni par Nathalie Elgrably-Levy, ni par Pierre Duhamel. Certains cas précis tels que le 1% de la culture. Un budget que les constructeurs doivent allouer à la culture lors de la construction ou de la rénovation d’un bâtiment. Un budget qui n’est octroyé qu’à un certain nombre réduit d’artistes reconnu par le Conseil des Arts. D’une part, les arts émergents sont exclus de ces budgets. Parce qu’une reconnaissance du Conseil des arts pour se retrouver dans ce petit cercle d’artistes reconnus est une démarche qui est longue et ardue. D’autre part, parce qu’il y a parfois dans ces dossiers du 1% de la culture certains cas d’abus, du style un grosse roche de 250 000$ qu’on « plante » devant l’immeuble.
Je me souviens, lors de la construction du nouveau CLSC dans Hochelaga-Maisonneuve, que le directeur du CLSC voulait engager les artistes du Café-Graffiti dans le budget du 1% de la culture, plusieurs membres du Conseil d’administration du CLSC, plusieurs citoyens ainsi que les artistes graffiteurs. Quelles belles occasions de fournir un sentiment d’appartenance aux jeunes dans nos institutions que de leur permettre d’afficher leurs œuvres dans le nouveau CLSC. Évidemment, la grosse machine du Conseil des Arts a refusé ce projet. Parce que ces jeunes artistes n’étaient pas reconnu par le Conseil des Arts. Dans cet exemple bien concret, le Conseil des Arts a statué contre la volonté populaire et des personnes concernées par le projet. Une décision culturellement anti-démocratique.
Quand Pierre Duhamel soulève les subventions que les magazines de Québécor reçoivent dans le cadre du Fonds du Canada pour les périodiques, ce genre de subvention est très démocratique. Lorsqu’un média acquiert des abonnés, l’éditeur reçoit une subvention pour compenser une partie des frais de postes pour l’envoi du magazine. S’il n’y a aucun abonné, il n’y a aucune subvention. La subvention est proportionnelle aux choix démocratiques que les citoyens ont fait en s’abonnant au magazine.
Références
- 1er billet de Nathalie Elgrably-Levy, 5 mai
- 2e billet de Nathalie Elgrably-Levy, 12 mai
- 3e billet de Nathalie Elgrably-Levy, 19 mai
- Lettre ouverte de Pierre Duhamel, 8 mai
- Informations sur Fonds du Canada pour les périodiques
- Informations sur Fonds du livre du Canada
- Informations sur les subventions de la Sodec au Groupe Archambault
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Bonjour Anders.
Comme je l’écrivais, si on veut vraiment permettre une démocratisation de la culture, il faudrait que le gouvernement cesse de jouer un rôle protectionniste qui empêche tous les artistes d’avoir les mêmes droits et les mêmes privilèges. Quand on réserve l’accès à des chantiers tels que le 1% de la culture qu’à un nombre restreint d’artiste élitiste, on empêche les décideurs de sélectionner des arts émergents et des arts plus près du citoyen.
Raymond.
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Bonjour Raymond,
Si nos gouvernements ne faisaient que subventionner la consommation de produits culturels, nous n’aurions droit qu’à ceux qui ont l’opportunité de se faire connaître par une grande machine promotionnelle pour acquérir une grande visibilité auprès du public. Or je suis plutôt pour une démocratie culturelle: tous les produits culturels, qu’ils soient commerciaux ou réservés à un public plus élitiste, devraient avoir droit au même chapitre.
Pour que tous les produits culturels soient sur le même pied d’égalité, les subventions gouvernementales sont nécessaires. Et je ne suis pas non plus contre l’idée de subventionner la commercialisation de la culture. De cette manière, tous les artistes pourraient vivre de leur art décemment quoique certaines vont vivre plus confortablement que d’autres…
Anders
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Je ne suis pas contre le soutien à la commercialisation des arts tel que le crédit d’impôt, mais cela ne peut pas être la seule aide à la culture.
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Pour que le citoyen puisse savoir quelles peintres il aime, pour savoir quel auteur il préfère ou encore s’il est un passionné du Jazz ou d’un autre style de musique, il doit en connaître la différence. Pour se faire, il lui faut un accès à des galeries, des musées, des festivals thématiques… Le citoyen a besoin de choix et de diversités pour pouvoir exercer sa démocratie culturelle. Sur ce point, l’argumentaire de Pierre Duhamel est parfait.
Raymond Viger
Est-ce que le choix, l’accès à des galeries, des musées, des festivals thématiques…, existait avant la création du ministère de la Culture en 1961 ?…
Le cas de Pierre Duhamel.
Ce n’est pas un économiste. C’est un journaliste et anglo-américain. Donc, spécialiste de l’écriture et autodidacte du commerce et des affaires américaines. Il dit…
Ce qui me met le plus mal à l’aise en vous lisant c’est le ton tranchant et définitif que vous employez,
Je perçois même un peu de mépris quand je lis votre dernière chronique portant contre les privilèges éhontés dont profiteraient les artistes
http://www2.lactualite.com/pierre-duhamel/?p=1097&cp=all#comments
Pierre Duhamel – Lettre
Impressionnant, non ?… Pas étonnant qu’on l’ait botté, au JdeM.
Voici l’explication de l’économiste Elgrably…
Il s’agit plutôt de l’opposition entre la liberté et l’étatisme. Dans le premier cas, on croit en l’être humain et on respecte ses choix et son libre arbitre. Dans le second, on impose une vision élitiste de la culture, et des apparatchiks se donnent le pouvoir de décider à notre place. L’étatisme, c’est subordonner l’individu aux fonctionnaires, c’est la négation de la liberté !
Certains partisans des subventions affirment qu’ils souhaitent ainsi défendre la culture. S’ils disent vrai, pourquoi l’idée d’abolir des taxes ou d’offrir des crédits d’impôt les répugne-t-elle autant ? Au fond, ce n’est pas tant la culture qu’ils défendent, mais les subventions. Ils se battent pour l’argent et leurs précieux privilèges.
Élitisme culturel
Nathalie Elgrably-Levy
http://lejournaldemontreal.canoe.ca/
19/05/2011 06h42
Pourquoi faut-il subventionner la création, la production, la diffusion et l’immobilier ?… Les commanditaires de toute sorte, autos, banques et brasseries incluses, peuvent faire ça.
Plutôt, pourquoi ne pas subventionner la consommation des produits culturels.
Par exemple, un crédit d’impôt pour chaque billet au FEQ, Festival d’été de Québec et autres festivals.
SP
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Il est effectivement intéressant de voir qu’un autre spécialiste tel que Pierre Duhamel en arrive à s’opposer à Nathalie Elgrably-Levy.
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Même le droitiste Duhamel l,a contredite…
Les libertariens sont faux sur trois points;
-L’art, ca peut rapporter de l’argent
-Il n’y a pas que l’économie, il y a aussi les bienfaits sociétaux
-La popularité n’est pas un bon critère de qualité
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