Entrevue avec Louise Rinfret, zoothérapeute

Un animal pour les cicatrices de l’âme

La zoothérapie, une technique de «contact» qui favorise la communication entre les humains, est un processus dans lequel l’animal agit comme «auxiliaire thérapeutique». Par exemple, les individus se promenant avec un chien dans les endroits publics finissent toujours par discuter avec de purs inconnus. L’animal est rassurant, il ne juge pas, et, surtout, il n’est pas ambigu. On n’a pas à s’expliquer avec lui si on ne l’aime pas, et vice-versa. Cela simplifie beaucoup nos rapports avec eux.

Benjamin Lalonde | Dossier Zoothérapie

La zoothérapie est utilisée dans plusieurs milieux. Les hôpitaux, les prisons, les centres d’accueils pour personnes âgées, notamment. Mais qu’en est-il de l’intervention proprement psychothérapeutique, ou clinique? En fait, il existe un champ bien précis d’application professionnelle: la thérapie avec assistance animale (TAA). Ici, l’intervention est encadrée par un thérapeute spécialisé dans un domaine de la santé. Et, puisque la TAA est une technique très précise, plusieurs la fusionnent avec d’autres approches, comme l’art dramatique, par exemple. C’est d’ailleurs le cas de Madame Louise Rinfret, une thérapeute très «allumée», que nous avons rencontrée.

Benjamin Lalonde: Mme Rinfret, donnez-nous des exemples du travail de zoothérapeute.

zoothérapie prisons prisonnier animaux Louise Rinfret: Un garçon venait à la ferme L’Auteuilloise, à Laval, pour un atelier. C’était un p’tit gars de gang, un tough. Il était plein d’agressivité, de colère. On s’est promené partout, autour de la ferme, pour voir les animaux. Il y avait des chevaux, des poneys, des cochons vietnamiens, des biches, etc. Dès que le garçon a vu les lapins, il en a pris un dans ses bras, et m’a demandé: «Je peux le mettre dans mon manteau?» Je lui ai dis:«Oui, mais fait attention, soutiens-lui bien les pattes pour qu’il ne panique pas.» Il l’a emmitouflé comme un enfant, pendant deux heures. Il était tellement content. Jamais il n’aurait pu me montrer ce côté… tendre.

Pendant qu’il se promenait avec le lapin, il me racontait des bribes de sa vie. «Ma mère était comme ça. Elle était douce comme ça. Je me rappelle que je me collais sur ma mère, j’avais 9 ans. Après je l’ai jamais revue». Grâce au lapin, le garçon a pu s’ouvrir. L’animal reflète comment tu te sens et peut faire émerger des émotions nouées dans l’inconscient. Les thérapeutes avec assistance animale appellent «cothérapeute» les animaux avec qui ils travaillent.

zoothérapie prison animaux système carcéral Benjamin Lalonde: Qu’est-ce qui fait qu’on arrête de douter et d’avoir honte de s’exprimer ?

Louise Rinfret: Les animaux sont inconditionnels. Ils ne jugent pas et sont très rassurants. Quand le jeune a pris le lapin, il savait parfaitement que l’animal n’allait pas dire «bon, encore un jeune drogué qui me prend dans ses bras». Ils peuvent éveiller des émotions, et, nous, les thérapeutes, nous devons les accueillir inconditionnellement.

Quand j’étais en stage, dans une ferme de l’État de New-York, il y avait un jeune garçon qui avait fait plusieurs tentatives de suicide. Il venait à la ferme où il y avait, entre autres, des émeus. C’est extrêmement difficile, un émeu, c’est insupportable. Un coup de patte et tu te retrouves à l’hôpital. En tant que thérapeute avec assistance animale, la moitié de ton attention va à la sécurité. Un monsieur d’expérience qui travaillait là-bas m’avait montré comment donner des massages aux émeus. Alors, j’ai pensé au petit garçon. Je lui ai demandé s’il pouvait me donner un coup de main. Je lui ai dit: «J’aimerais ça qu’on l’apprenne ensemble, car je dois partir dans trois mois.» La première fois, ça prend peut-être une demi-heure pour approcher l’émeu. Après ça, tu effleures sa colonne vertébrale et tu presses doucement. L’émeu aime tellement ça qu’il replie ses pattes sous son ventre. Et là tu peux le masser pendant 2-3 heures.

Pour le jeune garçon, d’avoir apprivoisé le territoire d’un animal si difficile d’approche, qui lui a finalement fait confiance, qu’il pouvait toucher, avec qui il pouvait passer du temps, sans rien avoir à prouver, ça l’a reconnecté à la vie. Quand des groupes extérieurs venaient visiter la ferme, on leur présentait les animaux. Le jeune garçon était très fier de montrer son travail, et de choisir qui pouvait approcher ses émeus. Grâce à ces animaux, il a développé une nouvelle communication avec les visiteurs et a repris goût à la vie.

zootherapie-grenouille-prison-penitencier Benjamin Lalonde: Et pourquoi utiliser l’art dramatique avec la TAA?

Louise Rinfret: L’art dramatique peut, entre autres, être utilisé pour travailler l’espace vital. C’est très important dans le cas des abus sexuels. À la ferme, il y a des animaux particulièrement territoriaux, comme les oies. Pour éviter qu’elles ne se fassent attaquer par les renards, elle se couchent sur de grosses roches dans un étang. Et l’été, on peut s’y promener avec une chaloupe.

Un jour, une jeune fille s’est installée sur une des roches. Là, les jars sont arrivés, en colère. Leur «chef» l’a provoquée en cacardant très fort, suivi de deux autres jars. Elle leur a répondu en criant, sur le même ton, dans leur langue. Ils ont levé les ailes, elle a brandi les bras, etc. La chicane était pognée. C’était vraiment une scène d’art dramatique intense. Cette jeune fille avait eu beaucoup de problèmes dans son enfance, avec son propre territoire. Elle a été envahie par toutes sortes de situations éprouvantes. Puis, une discussion s’est engagée mutuellement, les fréquences sonores ont diminué, et la jeune fille a quitté la «roche du chef». En retournant vers la rive, elle a continué à leur parler «en oie» et a même reçu des cacardages affectueux en leur jetant du grain. C’était tellement beau, tout ce qui a pu se dire dans ce langage.

La plupart des jeunes discutent beaucoup avec les animaux, et peuvent, à leur rythme et avec leurs propres outils intérieurs ou créatifs, entreprendre un processus de réparation ou de «recadrage d’événements traumatisants».

Donner la parole aux jeunes

1021168_31227792 L’essentiel de la TAA, et de l’art dramatique, est de donner la parole au jeune, de l’accepter et de la faire valoir. Il peut arriver que plusieurs jeunes vivent la même problématique, comme des traumatismes vécus en centre d’accueil.

À ce sujet, Mme Rinfret s’est aperçue que des interventions très controversées avaient cours dans les centres jeunesse. Plusieurs de ces jeunes ont souffert de la contention physique (isolement, arrêt d’agir, «retrait»). Pour leur permettre de s’exprimer, elle a réalisé avec eux L’horizon emmuré, un film qui montre la souffrance découlant de leur séparation et leur «mise en boîte».

Certaines scènes du film sont particulièrement émouvantes, comme celle où un adolescent «revit» des épisodes d’enfermement par un exercice d’art dramatique. La quantité d’émotions contenues dans cette scène est extraordinaire.

À ce titre, le travail de Mme Rinfret s’inscrit dans la mouvance qui conteste les conditions des jeunes en centre d’accueil. On questionne la mixité des jeunes «contrevenants» et de ceux qui sont placés en protection, l’autonomie des jeunes qui sortent des centres, la contention physique (les fameuses pratiques d’isolement), la contention chimique (la surmédication des enfants et des adolescents), la scolarisation déficiente. Cela génère des pratiques qui ne respectent pas toujours les droits fondamentaux des mineurs. À ce sujet, ils n’ont toujours pas le droit au recours…

Ce dossier est particulièrement «chaud» parce que le projet de loi 125, qui modifie la Loi sur la protection de la jeunesse, encore sous étude, pourrait donner davantage de pouvoir à la loi. Une fois adoptée, elle risquerait de favoriser davantage la séparation discriminatoire et arbitraire des enfants de leur famille. Il est très important de garder cela à l’esprit, pour les comprendre, les laisser s’exprimer et, surtout, leur donner plus de pouvoir.

La thérapie avec assistance animale et l’art dramatique peuvent être mariés à plusieurs «sauces». Mais on ne peut traiter d’un problème social uniquement avec des interventions individuelles, pas plus qu’on ne peut séparer l’individu de la société. Il faut entendre les jeunes, et situer leur condition dans un contexte social global.

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