Où s’arrête la liberté d’une personne malade?

Il y a trois ans, ma meilleure amie me téléphone à 1 h du matin. Elle se sent menacée et poursuivie. Son discours est décousu. Sa sœur jumelle ayant développé la schizophrénie un peu avant elle, je comprends rapidement qu’elle est en état de psychose. Je l’invite à venir chez moi sans délai. Je tente de la raisonner, mais rien n’y fait. Je me sens dépourvu et impuissant.

Roberto Mayer | Dossiers Santé mentale, Suicide

Le lendemain, elle part avec son fils de neuf ans vers un chalet dans les bois où elle croit qu’elle sera en sécurité. «De toutes façons, me dit-elle, si je crois qu’ils sont pour nous retrouver, ils vont me trouver pendue avec mon fils dans le garde-robe». Je lui demande si elle est consciente de ce qu’elle vient de me dire. Elle me répond que oui, mais que ce n’est que pour protéger son fils, car ce qu’ils lui feraient serait bien pire, et elle s’en va…
La seule façon que je trouve pour l’aider est d’appeler la Direction de la protection de la jeunesse (D.P.J.). J’ai l’impression de trahir une amitié et j’ai peur qu’elle m’en veuille. Je téléphone aux autorités. Ils agissent, placent l’enfant chez ses grands-parents et incitent la mère à se faire soigner.

Désinstitutionalisation psychiatrique

Elle quitte ensuite l’hôpital sans aucun encadrement imposé. Avec la désinstitutionalisation, elle n’a qu’à formuler un refus de traitement pour qu’on la laisse partir en prétextant qu’elle n’avait rien dit qui prouvait qu’elle représentait un danger pour sa personne. À mon avis, son refus de se faire soigner prouvait plutôt le contraire.

Pour l’obliger à suivre un traitement, cinq membres de sa famille devraient intenter un recours judiciaire pour lui retirer ses droits. Si la famille et les gens autour n’ont pas l’idée ou la capacité de le faire, rien ne peut contraindre une personne atteinte de maladie mentale de se faire soigner.

Le suicide d’une schizophrène

Quatre mois plus tard, je reçois un appel de sa mère. Mon amie s’est pendue. Elle est entre la vie et la mort. Après deux semaines dans le coma, elle garde des séquelles dues au manque d’oxygénation au cerveau. Elle n’a aucun souvenir de moi mis à part mon nom. Elle ignore pourquoi elle est à l’hôpital. Elle ne se souvient pas de son geste… Moi, je m’en souviens.

À mon avis, il est inacceptable que notre société se soit à ce point déresponsabilisée à l’égard de ces personnes au nom de la liberté de la personne et de l’intégration sociale.

Il est plus que temps de regarder notre responsabilité vis-à-vis de ces personnes qui ont besoin d’aide et qui sont laissées à elles-mêmes.

NDLR: Je suis un intervenant de crise. L’histoire que décrit Roberto, je l’ai vécue à maintes reprises. Malgré la difficulté d’appeler les ressources pertinentes, Roberto a très bien agi en les faisant intervenir. Cette difficulté d’avoir un suivi après la psychiatrie ou l’hôpital est malheureusement réelle. J’ai vu des jeunes faire des tentatives de suicide. Dès que le «physique» du jeune le permettait, l’hôpital le laissait partir. Au mieux, avec un rendez-vous avec un psychiatre, dans six à neuf mois! Pas de suivi. Pas d’encadrement.

La question est bien posée par Roberto. Est-ce acceptable de laisser des gens qui ont besoin d’aide sans encadrement, sans suivi, sans ressources adaptées?

Ressources sur le suicide

  • Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Les CLSC peuvent aussi vous aider.
  • Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566 Ligne d’aide 24/7: 988
  • France Infosuicide 01 45 39 40 00 SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
  • BelgiqueCentre de prévention du suicide 0800 32 123.
  • Suisse: Stop Suicide
  • Portugal: (+351) 225 50 60 70

Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires

guide-d-intervention-de-crise-personne-suicidaire-suicide-intervention-prevention-suicide-rates-suicideLe guide d’intervention auprès de personnes suicidaires démystifie le suicide. Il permet d’aider les proches à reconnaître les signes avant-coureur du suicide et de déterminer qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la personne en crise.

Une section du guide est réservée aux endeuillés par suicide.

Le livre est disponible au coût de 9,95$. Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009. Par Internet.

Par la poste: Reflet de Société, 3894, Ste-Catherine Est, Bureau 12, Montréal, Qc, H1W 2G4

Maintenant disponible en anglais: Quebec Suicide Prevention Handbook.

Autres textes sur le Suicide

Survivre, un organisme d’intervention et de veuille en prévention du suicide et en promotion de la Santé mentale. Pour faire un don. Reçu de charité pour vos impôts. Merci de votre soutien.

Autres livres pouvant vous intéresser