Paralysie cérébrale

Retraite et crédit d’impôts pour handicapés

Guillaume Parent est atteint de paralysie cérébrale depuis la naissance. Profitant des orientations du ministère de l’Éducation pour intégrer les enfants handicapés, il s’est rendu jusqu’à l’université. Après un parcours scolaire sans faute, et l’obtention de son diplôme en finances, il s’est buté aux préjugés des employeurs.

Dominic Desmarais | Dossiers Santé mentale, Handicapés

paralysie cerebrale guillaume parent handicapé scolarisation éducationBébé, Guillaume a eu un accident cérébral. L’air ne s’est pas rendu à son cerveau, le laissant paralysé. Il subit un choc au cerveau dont personne ne peut savoir quelle partie sera affectée. «Il n’y a pas deux paralysies identiques. Il y en a des mineures et des plus sévères. Moi, c’est l’équilibre, la coordination et l’élocution qui ont été touchés.» Le premier diagnostic qu’il reçoit, poupon, le rangeait dans la catégorie des handicapés les plus lourds. «Sur une échelle de 1 à 5, moi ce serait 4. Mais j’ai été noté 5 quand j’étais bébé.»

Grâce aux exercices, physiques et mentaux, que ses parents lui ont fait faire entre 1 et 5 ans, Guillaume progresse. «Mes parents se sont beaucoup investis. Ils m’ont aidé à m’étirer, m’ont fait des massages.» Ces exercices, dès l’enfance, lui permettent de se détendre et d’améliorer le contrôle de ses mouvements. «Vers deux ans, à cause de mon diagnostic, on ne me donnait pas beaucoup de chances. Mon problème est neurologique. C’est le cerveau qui discute mal avec mes muscles.»

Guillaume suit un programme de stimulation précoce donné par un ergothérapeute et un physiothérapeute. «Plus tu le stimules, plus tu donnes une chance à l’enfant, quand son handicap n’est pas trop lourd, d’avoir accès à une certaine normalité.»

Intégration scolaire d’un handicapé

paralysie cerebrale guillaume parent handicapés éducation scolaritéPour l’enfant, qui fait de grands mouvements désarticulés avec les bras et qui peine à sortir les mots de sa bouche, vivre comme n’importe quel gamin de son âge passe par l’intégration scolaire. «Avoir des amis sur deux pattes et fréquenter le voisinage, ce sont des étapes normales dans la vie de tout enfant. C’est plus difficile quand tu es ghettoïsé, isolé. En 1985, il a fallu que mes parents mettent beaucoup d’efforts pour convaincre la commission scolaire de m’ouvrir ses portes pour que j’accède à une école normale.»

Guillaume s’exprime comme s’il avait trop bu. L’intonation de sa voix rappelle celle d’un déficient. Mais ses idées sont claires. Sa faculté de réfléchir est la même que chez n’importe quel individu. Il pense à la même vitesse et, dans sa tête, les mots coulent normalement.

De son expérience, il a des choses à dire. «Au début des années 1980, l’idée de l’intégration scolaire est nouvelle. Il fallait des cobayes. C’est normal, on n’avait jamais essayé. Encore aujourd’hui, l’intégration scolaire est difficile. L’intégration mur à mur de tout le monde ne va pas aider la personne handicapée, les élèves et les professeurs. Il y a des cas lourds qui n’ont pas leur place à l’école. Mais ce n’est pas simple. Un exemple: j’échappe mon crayon. Le prof va se demander si c’est souhaitable de laisser l’enfant handicapé le ramasser. Si ça arrive 20 fois dans un cours, qu’est-ce qui est le plus dérangeant pour la classe? Celui qui a besoin d’aide mais qui ne dérange pas trop? Ou celui qui, du fond de la classe, fait des conneries et lance ses affaires sur les autres? C’est bien de se poser la question», dit-il en ramassant son crayon en s’étirant de sa chaise roulante. «Maintenant, je le ramasse seul!»

Difficultés de l’intégration scolaire

paralysie cerebrale handicapés guillaume parent éducation scolaritéGuillaume reconnaît qu’il n’y a pas de solution simple à l’intégration scolaire des handicapés. L’intégration, c’est de l’essai erreur. On ne peut pas le savoir sans essayer. Quand on voit que l’enfant ne comprend rien, on ne l’aide pas en s’obstinant à l’intégrer. Il va se sentir mal, différent. Même si ses parents veulent qu’il reste à l’école. Mais dans mon cas, que je suis content qu’on ait pris la décision d’intégrer les handicapés!»

Guillaume se considère chanceux. Il a un bon milieu familial et social et de bonnes capacités intellectuelles. «J’avais un très bon environnement, alors je suis passé au travers du primaire, du secondaire, du cégep et de l’université comme dans du beurre. Ils l’ont l’affaire pour très bien nous encadrer. Dans pas mal tous les cégeps et les universités, c’est rendu très inclusif. Ce qui m’a grandement aidé, c’est la technologie. D’abord la dactylo puis l’ordinateur m’ont aidé à faire des pas de géants. J’en ai fait un autre avec Internet, ça m’a ouvert les portes de l’éducation.»

Alors que Guillaume s’est si bien intégré au système d’éducation qu’il ne se sent pas handicapé, la fin de son parcours scolaire lui fait prendre conscience de sa condition. «Parce que je m’étais habitué à ce que tout soit parfait, j’ai pensé que dans le milieu du travail, ce serait pareil. J’ai pris toute une débarque.»

Un emploi pour un handicapé

Avec l’obtention de son diplôme en finances de l’Université Laval, Guillaume se voit gravir les échelons de ce milieu qui ne connaît aucune limite. «Je pensais que ça me serait facile d’être embauché, de faire carrière. Je me voyais en haut de l’échelle avec le gros poste. À l’université, j’étais président d’une association. J’avais 200 bénévoles sous ma direction. L’année d’après, j’arrive sur le marché du travail. J’ai envoyé plus de 100 demandes d’emploi. Je suis tombé le bec à l’eau. J’ai eu des entrevues mais les immeubles n’étaient pas accessibles. D’autres m’appelaient pour me convoquer en entrevue et en m’entendant parler, trouvaient des prétextes pour se désister. Ils ne me prenaient pas pour un débile mais ils ne pensaient pas que je serais capable de faire la job. Ça peut être subtil, un préjugé. Moi, je ne me vois pas comme un handicapé. Ce sont les autres qui me voient ainsi. Et quand les limites viennent des autres, que les autres m’empêchent de faire ce que je veux, c’est dommage.»

Guillaume est resté blessé de ce rejet. Il a beau être dans un fauteuil roulant, à gesticuler en tout sens, il est tout aussi lucide que n’importe qui. Que les gens se fassent une idée de lui sur son apparence lui fait mal. «Les gens qui ne me connaissent pas, qui me croisent dans la rue, pensent que je suis un malade mental. Par exemple, au restaurant, le serveur demande à ma blonde ce que je vais commander. C’est frustrant. Il faut changer les mentalités.»

Armé de son diplôme qui ne lui ouvre aucune porte vers l’emploi, Guillaume apprend à se débrouiller seul. «Il fallait bien que je fasse de l’argent, donc j’ai fait des rapports d’impôt. J’ai décidé de partir une compagnie le lendemain où je suis allé à Emploi Québec pour demander la solidarité sociale. En janvier, je me louais un local commercial. Ça marche mon petit business. En 4 mois, j’ai fait 300 rapports.»

Un programme méconnu pour handicapés

En 2005, Guillaume quitte la ville de Québec pour suivre sa conjointe à Montréal. Il y est embauché par le Fonds de la CSN. Un emploi qu’il affectionne. Jusqu’à ce qu’il ait connaissance, en 2009, d’un programme fédéral pour handicapés, le Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). «J’ai vu ma vocation. J’ai quitté la CSN pour partir à mon compte. Pour aider les handicapés avec leurs finances. Je ne regrette pas mon geste. J’ai du plaisir.»

Le Régime enregistré d’épargne-invalidité, créé par le gouvernement du Canada, invite les personnes handicapées et leurs familles à épargner pour l’avenir en obtenant des subventions. «Ça peut aller jusqu’à 4500$ par année et ce, jusqu’à ce que la personne handicapée atteigne 49 ans. Dès que tu as un crédit d’impôt pour handicapé, tu peux ouvrir un compte. Il y a un plafond de 90 000$ à vie.»

Guillaume ne tarit pas d’éloges sur le Régime enregistré d’épargne-invalidité. «Pour celui qui est à faible revenu, le gouvernement donne 1000$ par année, cotisation ou non jusqu’à 49 ans. Il suffit d’ouvrir un compte. Et la beauté dans tout ça, c’est que ça ne coupe pas l’aide sociale. Pour obtenir le maximum de 4 500$, il faut déposer 1 500$ par année dans le compte. Mais ce ne sont pas toutes les personnes handicapées qui en sont capables. J’aimerais créer une fondation pour eux. Mais ce n’est pas encore fait.»

Le jeune homme a un message à l’attention des personnes handicapées et de leurs familles. «Profitez-en! Plusieurs n’y croient pas. Ils se disent que c’est trop beau pour être vrai ou ils ne connaissent pas le Régime enregistré d’épargne-invalidité. Au Québec, on est très en retard dans l’ouverture de ces comptes-là. En avril dernier, un handicapé admissible sur 28 a ouvert un compte. Dans l’Ouest, c’est 1 sur 7. On passe à côté d’un cadeau incroyable. Pour une fois que le gouvernement nous offre quelque chose…»

Guillaume, qui se décrit comme un conseiller en placements financiers, en fonds mutuels et en assurances, est rendu avec une clientèle de 150 personnes. «J’ai 100 familles avec un handicapé ou un enfant handicapé et 50 clients pour qui j’offre mes services de placements indépendants.» Ses clients, il les rencontre lors de conférences qu’il donne sur le Régime enregistré d’épargne-invalidité ou par le bouche à oreille. «Quand tu offres un bon service, les gens parlent de toi. Ils me font confiance. Je présume qu’ils me trouvent compétent et professionnel», dit-il en guise de boutade adressée aux employeurs qui n’ont pas voulu l’engager.

Adaptation d’un papa handicapé

Aujourd’hui, Guillaume habite un bel et grand appartement aménagé à ses besoins. Il vit l’amour depuis 10 ans avec sa conjointe Fany, qui n’est pas handicapée, qu’il a rencontrée à l’université Laval. «Ça n’a pas été ma première blonde. Mais ça été long avant que je m’en fasse une. Je ne rentre pas dans les standards de fantasmes d’adolescente! Et je manquais peut-être de confiance en moi. Il y a tellement de personnes handicapées qui ont peur de ne pas trouver l’amour. Ça me frappe à chaque fois. Mais avec une bonne expérience amoureuse, ça t’aide à ne pas te décourager.»

Il a eu le coup de foudre quand il a vu Fany pour la première fois. «J’ai travaillé fort! Elle était déjà fiancée à l’époque. Ça fait 10 ans qu’on est ensemble. Et on a dû attendre 8 ans pour avoir un enfant. On essayait mais elle ne tombait pas enceinte. Nous sommes allés à l’hôpital pour savoir quel était le problème et les solutions pour y remédier. C’était un trouble hormonal de son côté. «Elle a réglé ses problèmes de façon naturelle avec beaucoup de détermination. On ne l’attendait plus. Il a fallu lâcher prise. Et moi, 5 mois avant qu’elle tombe enceinte, je venais de quitter un bon emploi à la CSN pour me lancer à mon compte. C’était un peu stressant au début!»

Il y a 8 mois naît Roméo. Après 8 ans d’attente, le couple passe à l’étape de la famille. «Là, il faut élever notre enfant. Ça amène d’autres questions. C’est l’inconnu total. Par exemple, jusqu’à ce qu’il ait 6 mois, j’avais de la difficulté à le bercer. J’y allais trop fort, je le faisais pleurer. Ça me stressait énormément. Est-ce que je vais pouvoir le prendre dans mes bras un jour? C’est juste qu’il était trop petit. Mais encore fallait-il que je persévère. Si, après 6 mois, je m’étais dit ça ne sert à rien, Roméo je ne le bercerai pas, je ne serais pas en train de le faire aujourd’hui. Il aime s’étirer, bouger. Avec moi, ce n’est pas possible. C’est plus calme, posé. Je le sens impatient. Cet enfant-là, il n’aura jamais un environnement normal. Mais il ne manquera pas d’amour!»

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