Émergence d’un citoyen

En février 2011, Général a commencé à raconter son parcours au sein d’un gang de Montréal-Nord. Dans ce numéro, il explique pourquoi il a voulu partager son expérience avec les lecteurs de Reflet de Société. 

Dominic Desmarais | Dossiers Gang de rue et Criminalité

gang de rue blood street gang crips criminalitéGénéral a passé près de 15 ans de sa vie au sein des Rouges, un gang de rue. Il y a trouvé une deuxième famille, soudée par des liens très serrés. En quittant le gang, c’est toute sa vie qu’il perdait. Général devait faire ses adieux à ses amis, à l’argent, à la reconnaissance et à l’attention du sexe opposé. En exposant son cheminement délinquant, il prenait un gros risque : attirer l’attention alors qu’il devait se faire oublier.

Général ne s’est pas ouvert de façon désintéressée. S’il a bien voulu témoigner, c’est pour passer son message : il a changé de vie. «C’est une manière pour moi de crier sur les toits que je n’ai plus de liens avec les gangs. Que j’ai changé, que je ne veux plus être associé à ce milieu.»

Général espère faire d’une pierre deux coups. Que ses amis acceptent son départ et que ses ennemis le laissent tranquille. Mais le jeune homme reste lucide. Il reconnaît n’avoir aucun pouvoir sur la réaction de ses pairs. «Ils peuvent se dire que c’est des conneries, que ce n’est pas sérieux. Mes ennemis peuvent dire que je leur ai fait trop mal, qu’ils s’en foutent que j’en sois sorti ou pas.»

Des réactions positives…

Certains de ses amis, membres de son ancien gang, ont lu ses témoignages. La plupart l’ont félicité. «Ils le savaient déjà que je voulais quitter. Ils voyaient mes démarches avant que les articles soient publiés. Mais j’avoue avoir eu peur de leur réaction. Je ne savais pas comment ils le prendraient. On m’a dit que si c’était ce que je voulais, de continuer dans cette voie.»

Quelques amis, avec qui Général était plus lié, lui ont fait des reproches. Ils se sont sentis abandonnés. «Ils m’ont dit que je les laissais tomber, que je ne les trouvais pas assez bons pour moi. Mais ce ne sont que des paroles. Ce n’est pas allé plus loin.» Général s’en tire plutôt bien. Il n’a reçu aucune menace de la part de son propre clan. «Quand ils ont vu que ça se limitait à mon histoire, que je ne balançais personne, ça les a rassurés. Ils avaient peur que je les pointe du doigt, que je raconte leurs histoires avec la mienne.» Général a fait bien attention dans ses témoignages. L’important, c’était de parler de son propre vécu dans l’univers des gangs.

gang-de-rue-montreal-nord-gang-rue-pelletier…même chez ses ennemis

Général n’a pas poussé l’audace jusqu’à demander à ses ennemis ce qu’ils pensaient de sa sortie. Mais il a reçu quelques commentaires de ses rivaux qui l’encouragent. «Certains Bleus ont lu l’article. De ce qu’on m’a dit, ils ont compris que je quittais la vie de gang. On m’a fait savoir que je faisais bien. Certains m’ont dit bravo !»

Si les commentaires du milieu sont positifs, tant chez les Rouges que chez les Bleus, ceux qui lui viennent de son cercle intime sont moins encourageants. On lui dit qu’il s’expose trop, on a peur qu’il attire l’attention de la police, de son gang et de ses ennemis. «Ils n’étaient pas d’accord. Pour eux, le meilleur moyen, si je veux en sortir, c’est de déménager, de fuir.» Général s’y oppose. Il ne veut pas traîner ce poids toute sa vie, peu importe la ville dans laquelle il s’arrêtera. Par son témoignage, il cherche à s’affranchir de son passé plutôt que de le traîner partout avec lui.

Nouveau leadership

Du temps où il faisait partie des Rouges, Général était vu comme un leader incontesté. Même aujourd’hui, les plus jeunes savent qui il est. En partageant son histoire, il espère rejoindre ces jeunes. «Je veux montrer à ceux qui veulent changer que c’est possible. Si j’ai réussi, eux aussi le peuvent. Plusieurs veulent s’en sortir, mais ils ne savent pas comment.»

Depuis que son intention de quitter la vie de gang est publique, des jeunes qui gravitent dans le milieu lui ont posé des questions. «On veut savoir comment je fais pour survivre maintenant que je ne fais plus d’argent. Si ça vaut la peine de sortir du gang. La réponse est oui même si certaines choses me manquent. Mais ça vaut la peine juste pour se lever le matin sans tous ces problèmes.»

Par «problèmes», Général entend la violence et la haine qui le tenaillaient, les décès de ses amis et la possibilité qu’il fasse lui aussi partie des victimes, la peur de passer un long moment en prison.

Autonomie recherchée

À ceux qui lui demandent comment il fait pour survivre financièrement, Général ne sait quoi répondre. Il n’a pas encore trouvé la solution. Chaque jour, il passe des entrevues pour se trouver un emploi. «J’ai de la difficulté à payer mes factures. C’est la première fois de ma vie que ça m’arrive.» Le jeune homme sait qu’il pourrait aisément faire un coup d’argent pour faire disparaître ses tracas monétaires. L’idée lui est déjà venue. C’est d’ailleurs l’option qu’il avait choisie lors de sa première tentative de couper les liens avec son gang. «Ce qui m’en empêche aujourd’hui, c’est que je ne veux pas y remettre les pieds. Je ne veux plus vivre avec ces risques. Je m’attendais à ce que ce soit difficile.»

S’intégrer au marché du travail est un défi de taille. Général commence à peine à s’adapter. Il doit changer ses habitudes. «Avant, quand il fallait que je fasse de l’argent, j’y allais à mon rythme. Si je voulais me lever en après-midi, ce n’était pas grave. Là, je dois me conformer aux règles des autres plutôt qu’aux miennes. Je ne suis pas dans un milieu où je n’ai qu’à m’imposer pour obtenir ce que je veux. La transition n’est pas facile, mais c’est faisable.»

Général ne peut plus compter sur un réseau d’amis comme avant pour lui venir en aide s’il a besoin d’argent. Son cercle est plus restreint, les occasions sont plus limitées. «Avant, j’avais une dizaine de portes de sortie si j’avais besoin d’argent. Aujourd’hui, je n’ai que mes proches et quelques amis fidèles. J’apprends à vivre seul. Ce n’est pas facile.»

Apprivoiser la solitude

Général apprivoise la solitude. Lui qui a toujours été entouré d’amis, à festoyer sans demi-mesures, apprend à cheminer par lui-même et pour lui-même. Il était célèbre dans son milieu, le voilà devenu anonyme. Il prend plaisir à aider des jeunes qui ont un parcours similaire au sien même s’il n’a que de l’écoute à leur donner. «Je me vois dans leurs histoires. Et ce n’est pas comme si je ne connaissais rien à ça!»

Il leur raconte ses difficultés et ses victoires. Il n’a pas toutes les réponses, il se cherche encore. À ceux qui n’ont pas encore intégré un gang, qui gravitent autour, il explique le stress que ça apporte. «Je dois toujours faire attention. Dans ce milieu, tu ne sais jamais ce qui va se passer. Je dois encore avoir des yeux derrière la tête et je ne vais pas n’importe où.» Même libre, Général ne peut se rendre où bon lui semble. Ce qui a un impact sur ses proches quand ils l’accompagnent.

Le meilleur conseil qu’il peut donner, c’est de se trouver un autre gang… plus positif. «La chance que j’ai eue, c’est d’être tombé sur du bon monde qui m’a donné ma chance. C’est ce qui me pousse à continuer. Sinon, je ne sais pas où j’en serais. Au Café-Graffiti, personne ne me juge. On me soutient. J’ai quitté un gang de rue pour un autre type de gang où l’on s’entraide pour vivre dans la joie. Ça m’aide beaucoup. Et quand j’en parle avec un jeune, je me sens mieux placé qu’un intervenant parce qu’on a le même langage.»

Rap rédempteur

Pour Général, le meilleur moyen de sensibiliser les jeunes contre les gangs est la musique. «Le hip-hop est un style musical très fort chez les adolescents. Ils écoutent plus à travers la musique qu’en échangeant par la parole. Plusieurs entrent dans les gangs pour vivre ce que leur fait ressentir la musique. C’est un bon moyen pour les toucher.» Général, qui a fait l’éloge de son gang par la musique, change de direction. Il veut exprimer ce qu’il vit présentement, ce qu’il observe avec le peu de recul qu’il a des gangs.

Général a fait beaucoup de chemin depuis qu’il a quitté l’univers des gangs. Il se réajuste à un mode de vie qui lui était étranger. Il vit le stress de se trouver un emploi comme bon nombre de gens. Il ne s’en rend pas compte, mais il désire, comme chacun, conserver son originalité.

Introduction Histoire des gangs de rue

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