Notre cèdre des haies, un remède miracle oublié?

L’hiver apporte tout un lot de maladies – rhumes, grippes et affections diverses – que les ancêtres autochtones guérissaient en se servant surtout de conifères. Des plantes pour la plupart toujours vertes, même quand il neige. Or, nous semblons avoir complètement oublié ces remèdes locaux et naturels, plus de quatre siècles plus tard.

Normand Charest | Dossiers Autochtone, Environnement, Santé

Des Français sauvés par les Indiens

La plupart des gens connaissent cette anecdote.  Lors d’un voyage d’exploration au Canada, le navire de Jacques Cartier reste prisonnier des glaces et celui-ci doit passer l’hiver sur place avec son équipage. Après quelque temps, tous souffrent du scorbut, une maladie qui attaque les gencives et déchausse les dents, une affectation qui résulte d’un manque de vitamine C. Cette maladie était fréquente sur les bateaux, parce qu’on y consommait surtout des viandes salées et préservées.

Jacques Cartier fréquentait des Hurons (Wendats). Ceux-ci les guérirent à l’aide d’un remède miracle, une décoction d’anneda. Cartier rapporte ce fait mémorable dans son journal de voyage, mais ne décrit pas la plante. On sait seulement qu’il s’agit d’un conifère de bonne taille, qui peut faire «trois brasses» de circonférence.

On sait que les autochtones utilisaient presque tous les conifères de manière médicinale, et les Français du Canada les ont imités à l’époque. Décoctions de pruche (Tsuga canadensis), d’épinette, de sapin ; utilisation de la résine ; potions, sirops, cataplasmes ; «petite bière» à base d’épinette blanche, pour le plaisir (la bière d’épinette). Mais on semble ignorer quelle était cette plante miracle, l’anneda que les Français ont alors appelée «arbre de vie» à cause de ses vertus médicinales.

Un arbre de vie

Jacques RousseauDans une recherche publiée en 1954, le botaniste Jacques Rousseau, alors directeur du Jardin botanique de Montréal, explore les différents aspects botaniques, linguistiques et historiques.

Les Hurons étant des Iroquoiens, tout comme les Iroquois (les Mohawks), l’auteur explore donc ces deux langues iroquoiennes pour y trouver des traces du mot «anneda». Un dictionnaire huron du 18e siècle nous donne onnenta, qui se rapporte à tous les conifères. Mais un mot mohawk : o-nen-ta-wken-ten-tse-ra est utilisé pour le cèdre blanc (Thuja occidentalis) ; Cartier n’aurait retenu que le début du mot trop long, onenta ou anneda.

Cartier rapporte quelques plantes en France, qui sont plantées dans le jardin royal de Fontainebleau. Parmi celles-ci se trouvent seulement deux conifères, un pin blanc (Pinus strobus) et un «arbre de vie» appelé Arbor vitae en latin. Ce nom signifie que cette plante «conserve la vie» (à cause de ses vertus médicinales) et non quelle demeure toujours verte, précise Rousseau.

Le moine André Thevet a eu accès au jardin royal et a conversé avec Cartier et les Indiens emmenés du Canada en 1536. Dans un écrit de 1575, il parle d’une «panacée miraculeuse» qui a sauvé les Français de la «grande épidémie» de scorbut. Les Indiens, écrit-il, utilisent «les feuilles d’un arbre qui est fort semblable aux cèdres», le cèdre étant effectivement, et pour cette raison, le nom populaire de la plante canadienne que les botanistes appelaient alors Arbor vitea : le nom botanique du cèdre commun qui compose nos haies, devenu par la suite Thuja occidentalis. D’ailleurs, le nom «arbor-vitea» est encore utilisé de nos jours, en anglais, comme nom commun du Thuja.

À redécouvrir

«Et pour un dernier et souverain remède, je renvoie le patient à l’arbre de vie, lequel Jacques Cartier ci-dessus appelle Anneda» (Marc Lescarbot, 1609).

Un remède à redécouvrir, tout comme ceux à base de pin, sapin, épinette et pruche? Des remèdes à base de plantes locales faciles à utiliser, alors que nous redécouvrons en ce moment la valeur des productions locales, parfaitement écologiques?

C’est une piste à explorer. Une vieille piste oubliée à redécouvrir.

Références

  • Jacques Rousseau, «L’Annedda et l’arbre de Vie», Revue d’Histoire de l’Amérique française, Vol. VII, No 2, septembre 1954. Dans les Archives du Jardin botanique de Montréal.

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(Mise à jour : 27 mars 2013)

Cèdre, sapin, épinette ou un mélange inconnu de conifères?

Jacques Cartier n’identifie pas clairement l’anneda, l’arbre de vie, dans ses écrits. Et l’on ne peut pas se fier complètement aux témoignages écrits de l’époque, puisque les noms de plantes ont beaucoup changé. Ainsi, le genre Abies, qui qualifie les sapins aujourd’hui, regroupait au 18e siècle les sapins et les épinettes (Picea).

L’hypothèse de Jacques Rousseau, dont nous venons de parler, est remise en doute en dans son aspect médicinal, par exemple, puisqu’on déconseille l’ingestion de décoction de cèdre (Thuja occidentalis) qui possèderait des éléments toxiques.

Selon Daniel Fortin, l’auteur de Une histoire des jardins au Québec (Québec, 2012), si Jacques Cartier ne décrit pas la plante, c’est qu’il ne connaît pas vraiment la composition du remède à base de rameaux de conifères cueillis par deux Amérindiennes qui connaissaient bien les plantes médicinales.

Il pourrait même s’agir d’un mélange de différents conifères. Nous n’en savons rien, apparemment. Mais l’historien Marcel Trudel (cité par Daniel Fortin) nous dit qu’en 1760, les hôpitaux de la Nouvelle-France soignaient le scorbut par des « infusions d’épinette », qui elles ne seraient pas toxiques, semble-t-il.

D’où la popularité de la bière d’épinette à l’époque, même s’il ne s’agissait peut-être pas d’un remède sous cette forme.

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