Le Canada, une nation métisse qui s’ignore ?
« Nos garçons se marieront à vos filles et nous ne ferons qu’un seul peuple » (Champlain)
Selon le penseur John Ralston Saul,* le Canada serait une nation métisse qui s’ignore. Une nation fortement influencée par les notions autochtones, mais qui ne le reconnaît pas encore.
Normand Charest – chronique Valeurs de société | Dossier Autochtones
Un nouveau peuple
Il s’agit d’une thèse surprenante, qui pourrait soulever des passions de part et d’autre. Mais la thèse est aussi séduisante à plusieurs points de vue, puisqu’elle permet d’assumer ce que nous sommes devenus au cours des siècles, et non plus ce que nous étions à notre arrivée de France ou d’Angleterre, ou d’Irlande ou d’Écosse.
Nous sommes devenus autres, et nous ne pouvons plus seulement parler de nos origines européennes, desquelles nous nous sommes éloignées. Notre pays est définitivement métissé. Et nos quatre siècles de cohabitation avec les Autochtones ont laissé plus de traces que nous le croyons habituellement. Et cette influence grandit.
Un métissage autant culturel que physique
L’auteur cite cette phrase surprenante de Champlain, lorsqu’il disait à ses alliés amérindiens : « Nos garçons se marieront à vos filles et nous ne ferons qu’un seul peuple. »
« Je ne peux imaginer aucun autre gouverneur, fût-il français, anglais ou autre, qui affirme une telle chose entre le seizième et le dix-neuvième siècle. Dans cette phrase, il révèle la véritable nature des relations franco-amérindiennes d’alors, basée sur l’égalité des deux parties » (John R. Saul).
Durant tout le Régime français, entre le tiers et la moitié de tous les hommes en Nouvelle-France vivaient de la traite des fourrures. Et beaucoup d’entre eux marièrent des Amérindiennes. Les Autochtones ne se préoccupaient pas de pureté raciale. À partir du moment où vous étiez accepté dans la communauté, par mariage, adoption ou autrement, c’est comme si vous y étiez né.
Aux 17e et 18e siècles, le métissage ne causait aucun problème, ni chez les Indiens, ni chez les Blancs. Il était même nécessaire à la collaboration et au commerce entre les deux groupes. Les Français s’adaptaient aux conditions des lieux en adoptant les moyens de transports autochtones : canots d’écorce, traîneaux à chiens, raquettes ; les vêtements de cuir et de fourrure, dont les mocassins ; le mode de vie en plein air, la nourriture sauvage abondante, les herbes médicinales. Les Canadiens français apprenaient les langues amérindiennes et faisaient la guerre comme eux. La popularité de ce mode de vie fut si populaire que les autorités tentèrent d’ailleurs de s’y opposer.
Mais ce n’est qu’au 19e siècle, et particulièrement à l’époque victorienne, qu’on voulut affirmer la supériorité européenne, en même temps que les populations indiennes déclinaient, à cause des territoires qui se rétrécissaient et des maladies apportées d’Europe.
Selon l’auteur, nous faisons fausse route en prenant des modèles européens ou états-uniens, à mesure que nous nous éduquons ; les mythes américains et parisiens ne correspondent pas à notre réalité canadienne.
Nous faisons aussi fausse route en donnant la prédominance à l’écrit sur l’oral. D’ailleurs la Cour suprême du Canada a déjà reconnu la valeur des traditions orales.
Le mythe du progrès
Il y a aussi un mythe du progrès. Comme si celui-ci ne reposait que sur l’évolution technologique, sur l’accumulation de biens matériels et l’exploitation de la Nature. Comme si les arbres, la terre et les animaux n’étaient que des matières premières à notre disposition
La Terre n’est pas qu’un vaste entrepôt réservé au marchandage. Elle est avant tout un milieu de vie plein de beauté. Et cette beauté n’est possible que dans la relation respectueuse des humains avec toutes les formes de vie et tous les éléments.
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* Livre cité, de John Ralston Saul, A Fair Country: Telling Truths about Canada, 2008 – Mon pays métis : quelques vérités à propos du Canada, 2008.
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La réponse précédente était pour Pierre JC Allard.
À Marc Guy à propos de la carte pour ne pas payer de taxe, ce n’est pas si simpliste. Lisez notre dossier de l’été dans Reflet de Société pour plus d’information.
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En effet, la fraternité des âmes est supérieure à celle du sang, mais c’est une façon de se rapprocher et de tenter de briser les barrières. À ce compte, nous espérons nous rapprocher de toutes les nations. Mais, ne serait-ce que parce que nous sommes des enfants de ce coin de pays depuis quelques siècles, nous partageons un peu la même mère (nature), eux naturels, eux les aînés, nous adoptés… Excusez l’exemple.
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je veut ma carte d’indien pour ne pas payer de taxe
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Je vois ici une confirmation de la thèse que défend avec ardeur depuis longtemps notre collègue et ami André Lefebvre. J’aimerais bien que les techniques modernes dont on dispose maintenant soient mises a profit pour préciser la part amérindienne dans la génétique des Canadiens francophones. Il ne serait pas oiseux d’identifier une spécificité qui pourrait servir de base à une cohésion entre nous qui fait de plus en plus défaut.
Les esprits chagrins regretteront qu’on en revienne à des similitudes qui historiquement ont servi de prétextes à bien des errements, au lieu de s’en tenir à une fraternité des âmes qui est la voie qu’on veut celle de l’avenir, mais on ne renonce pas aux outils parce qu’ils peuvent être mal utilisés…
Métisse, la nation québécoise se rapprocherait un peu plus de cette mouvance « indolatina » qui est dejà majoritaire et pourrait devenir vite dominante sur ce continent qu’on dit tellement anglosaxon.
Pierre JC Allard
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Beau commentaire, M. Lefebvre, très intéressant. De M. Saul, je retiens surtout la théorie intéressante de l’influence des valeurs amérindiennes. Pour le reste, je n’affirme rien – n’étant pas spécialiste en histoire – et j’écoute avec intérêt votre avis comme le sien. Merci.
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Belle présentation du sujet abordé par M. Saul. Par contre, sa pensée me semble une tentative de « sauver les meubles » historiquement. Encore une fois, il dit des « vérités » apprêtées à une sauce un peu différente à celle de l’histoire officielle sans y aller à fond.
Dans « Réflexion d’un frère siamois :
Il affirme que l’identité nationale complexe du Canada s’est formée à partir d’une réalité triangulaire des trois nations qui le composent: les Premières nations, les Francophones et les Anglophones.
Donc au niveau de l’histoire il « généralise » 200 ou 300 années. Il efface ainsi l’histoire des « Canayens » pour y installer l’histoire des « Francophones ». La réalité est que ses supposés « Anglophones » ne se considéraient pas ainsi. Ils étaient et se disaient de nationalité « Anglaise » jusqu’en 1867.
Dans mon pays métis :
Il affirme que, malgré quelques exceptions remarquées, un esprit de justice a toujours été présent dans l’histoire du Canada.
En fait, cette esprit de justice se trouvait chez les Amérindiens qui l’ont transféré aux « Francophone » durant les 200 premières années de vie « commune ».
On ne peut vraiment pas parler « d’esprit de justice » au sujet de la Baie d’Hudson et Compagnie du Nord-Ouest, ni envers les Amérindiens, ni envers les « Francophones ».
Mais j’avoue qu’il apporte énormément de poids à mes articles sur l’histoire des « Canayens ». Sans oublier M. Harper qui, lui aussi, confirme cette tendance vers sa nationalité « anglaise ».
Merci à Normand Charest.
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