À l’âge de neuf ans, lorsque les médecins m’ont déclarée atteinte d’épilepsie, je me suis sentie condamnée à vie par une maladie dont j’ignorais tout, jusqu’à son nom. N’acceptant pas leur «verdict», je me suis isolée de plus en plus en grandissant. Souvent j’ai songé à la mort. Mais en même temps, je souhaitais de toutes mes forces une guérison miracle.
Sylvie Daneau | Dossiers Épilepsie, Santé, Santé mentale
Je me suis souvent demandé quelle aurait été ma vie si je n’avais pas fait ma maternelle à l’âge de quatre ans et ma première année, à cinq ans. Mais cela, je ne pourrai jamais l’imaginer. La réalité – ma réalité – est que j’ai fait toutes mes classes du primaire, en étant la plus jeune. Et probablement, l’une des plus stressées.
Côté santé tout va bien jusqu’à la quatrième année. Environ deux mois avant la fin de l’année, l’institutrice m’envoie au tableau pour faire le calcul d’une multiplication compliquée. Elle sait que j’en suis capable. N’arrivant pas à me concentrer, nerveusement, je serre le bas de ma jupe. Elle me parle, mais je ne l’entends plus. Je ressens une douleur au cerveau. Il me semble que ma tête va éclater. Subitement, ma main droite s’agite nerveusement: j’ai une première crise d’épilepsie.
Du jour au lendemain, plus rien n’a été pareil. Dans les années 1960, l’épilepsie est un sujet tabou. Peu à peu, et sans le vouloir, médecins, famille et amis me cantonnent dans un petit univers, où ma «maladie invisible» devient le personnage principal.
On s’informe plus d’elle que de moi. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Un neurologue m’a dit : “L’épilepsie c’est comme porter un âne sur ses épaules.” Oui, l’épilepsie c’est lourd à porter, ça c’est vrai ! Lorsque j’ai quinze ans, un autre neurologue compare cette fois l’épilepsie à «une brique que l’on reçoit sur la tête». Pas plus qu’on ne sait quand une brique peut nous tomber sur la tête, l’épilepsie ne prévient pas elle non plus.
Apprendre à vivre avec l’épilepsie
Dans les années qui ont suivi, je n’acceptais pas d’avoir des crises tonico-cloniques (ce qu’on appelle «le grand mal»). Lorsque cette maladie invisible survient sans crier gare, mes jambes se dérobent sous moi et je me retrouve par terre, en m’agitant. La nuit, pendant mon sommeil, les crises me font tomber de mon lit.
Je voulais vivre normalement. Ne plus tomber et ne plus avoir à prendre des médicaments. Les spécialistes que je vois disent tous que j’en prendrai toute ma vie. Alors, à l’âge de 16 ans, je fais une tentative de suicide. En pleurant, seule dans la salle de bains, j’avale tous les comprimés de mysoline et de phénobarbital. Je ne sais pas comment ma mère me découvre.
Lorsque j’ouvre les yeux, je suis à l’urgence et deux infirmiers me forcent à boire une grande quantité d’eau. Ma mère, qui se culpabilise déjà parce que les neurologues ont établi que l’utilisation des forceps à ma naissance est responsable de mon état, me reproche le lendemain de ne pas avoir pensé à ma famille en posant ce geste. Puis, les années passent.
Le cerveau épileptique s’emballe
En 1992, me voilà enfin de retour à l’Institut neurologique de Montréal. Je dis «enfin», car je suis allée environ 40 fois au Centre hospitalier de l’université de Sherbrooke en moins d’un an pour être candidate à une opération au cerveau, les docteurs devant d’abord prouver que l’on ne peut pas me guérir. Et de «retour», car j’y suis hospitalisée une première fois en 1991 pendant sept semaines.
Le soir de mon admission, on me coupe les cheveux au rasoir. Pendant que mes cheveux tombent sur le plancher, je pleure. Le lendemain, je suis sous anesthésie locale, lorsque le Dr André Olivier, neurochirurgien, me perce trois petits trous dans mon crâne. Peu de temps après, un « frame » est fixé à la hauteur du haut de mon front avec trois petites tiges de métal, pour passer un scanner.
L’enregistrement intracrânien a lieu quelques jours après. Peu de temps avant la chirurgie, on me tond à nouveau les cheveux, mais cette fois à ras le crâne. Pendant l’opération qui dure environ sept heures, le Dr Olivier, perce plus de 30 petits trous dans mon crâne et insère autant d’électrodes dans mon cerveau.
Durant un mois, la tête recouverte de pansements, les électrodes attachées au câble branché dans le mur, je vis en permanence dans mon lit. Braquée sur moi, une caméra vidéo enregistre mes crises lorsqu’elles se produisent.
L’enregistrement intracrânien permet de déterminer que mon centre épileptique est frontal et temporal. Une opération serait trop risquée. Pour moi, c’est une grande déception.
La vie continue… Si c’était à refaire, je referais le même cheminement qui m’a conduite à l’Institut neurologique de Montréal. Car suite à cette implantation d’électrodes, mon neurologue a procédé plusieurs fois à des changements de médicaments. Et sept ans plus tard, j’ai complètement cessé d’avoir des crises de jour et de nuit.
Réapprendre à vivre sans l’épilepsie
Autant il m’avait fallu m’habituer à vivre avec l’épilepsie, autant j’ai dû m’habituer à vivre sans elle. Cela n’a pas été facile contrairement à ce que l’on pourrait croire. Car dans les premiers temps où je n’ai plus eu de convulsions, le doute de recommencer à en avoir m’accompagnait tous les jours. Réapprendre à vivre sans l’épilepsie est une étape très importante, à la fois pour la santé mentale et physique. Je me suis efforcée de la chasser de mes pensées et de mes conversations.
Car la vie, pour chacun et chacune d’entre nous, c’est beaucoup plus que l’épilepsie, l’asthme, ou le diabète. Le temps m’a appris qu’il ne faut pas laisser trop de place dans notre vie à nos problèmes de santé. Nous avons une identité personnelle avec de multiples facettes. À nous d’en développer quelques-unes.
Autres textes sur Épilepsie
- Quoi faire lors d’une crise d’épilepsie?
- Épilepsie, Journée Lavande et Cassidy Mengan
- Cheminement du reportage sur Cassidy Mengan ,la journée lavande et l’épilepsie
Autres textes sur Santé mentale
- Guide d’intervention auprès d’une personne suicidaire
- Laisse-moi t’expliquer l’autisme de Stéphanie Deslauriers
- L’autisme avec Charles Lafortune, Sophie Prégent et Richard Martineau
- Etienne Gervais au delà de la folie.
- Martin Matte, l’humour et les traumatismes crâniens à Tout le monde en parle.
- Ma schizophrénie
- Les réalités de l’autisme.
- Des artistes atteints de déficiences intellectuelles
- École Irénée Lussier: Bricoler l’estime de soi
- La rage du trop gentil
- Anorexie et anorexie mentale; causes et conséquences
- L’anorexie et Léa Clermont-Dion
- Témoignage: l’anorexie une histoire d’horreur
- Anorexie, Elle Québec et Clin d’oeil
Autres livres pouvant vous intéresser
- Roman de cheminement, L’amour en 3 Dimensions
- Recueil de textes à méditer
- Guide d’intervention auprès d’une personne suicidaire
- Comment intervenir auprès des jeunes
- Comment écrire un blogue pour être vu et référencé?
Ce billet, ainsi que toutes les archives du magazine Reflet de Société sont publiés pour vous être offert gracieusement. Pour nous permettre de continuer la publication des textes ainsi que notre intervention auprès des jeunes, dans la mesure où vous en êtes capable, nous vous suggérons de faire un don de 25 sous par article que vous lisez et que vous avez apprécié.
Merci de votre soutien.
Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires
Le guide d’intervention auprès de personnes suicidaires démystifie le suicide. Il permet d’aider les proches à reconnaître les signes avant-coureur du suicide et de déterminer qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la personne en crise.
Une section du guide est réservée aux endeuillés par suicide.
Le livre est disponible au coût de 4,95$.
Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009
Par Internet: http://www.editionstnt.com/livres.html
Par la poste: Reflet de Société 4233 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X4.
Lettrage, bannière et T-Shirt promotionnel
Filed under: Épilepsie, Santé, santé mentale | Tagged: André Olivier, apprendre à vivre avec l'épilepsie, asthme, électrodes, épilepsie, Centre Hospitalier de l'Université de Sherbrooke, crise d'épilepsie, diabète, Dr Olivier, enregistrement intracrânien, guérison, institut neurologique de Montréal, médicament pour épilepsie, neurochirurgien, neurologue, problème de santé, santé mentale, Sylvie Daneau, symptôme de l'épilepsie, traitement contre l'épilepsie | 4 Comments »
Cassidy Megan et la Journée lavande pour l’épilepsie
Cassidy Megan aime les animaux et les fées, porte le foulard des Guides du Canada et l’uniforme des meneuses de claques de son école et apparaît, à l’occasion, dans des publicités et dans des films. Mais parfois, quand elle joue avec ses amies, la fillette enjouée et rieuse perd le fil de la conversation. Son regard se fixe, ses yeux se remplissent de larmes sans raison et lorsque les symptômes se dissipent, elle ne se souvient de rien.
Ariane Aubin | Dossiers Épilepsie, Santé
Lorsque le diagnostic est tombé, Cassidy a d’abord caché sa maladie à ses amis de peur qu’ils ne la traitent différemment. Mais après avoir éprouvé des symptômes en classe, elle a finalement accepté qu’un représentant de l’Association des épileptiques de Nouvelle-Écosse vienne parler à ses camarades – mais sans identifier Cassidy − des différents types d’épilepsie et surtout, de l’isolement créé par la maladie. L’initiative a connu un succès inattendu, raconte Angela. «Après la présentation, Cassidy nous a pris à part, l’animateur et moi, pour nous demander de révéler que c’était d’elle dont on parlait. Ses camarades ont merveilleusement réagi, avec beaucoup d’ouverture et de curiosité.» Comme elle le souhaitait, rien n’a changé pour Cassidy depuis mais elle sait maintenant que ses camarades de classe savent reconnaître les symptômes d’une crise d’épilepsie et qu’ils sont même en mesure de l’aider si elle est en danger.
Une journée couleur lavande
Dès le départ, il n’était toutefois pas question pour la jeune fille de limiter les célébrations à son école. «Elle voulait que ça devienne une campagne mondiale, une sorte de rêve éveillé pour une si jeune fille», explique la présidente de l’Association de l’épilepsie en Nouvelle-Écosse, Deirdre Floyd, qui a rapidement décidé de prendre le pro-jet sous son aile. «Deirdre est elle-même épileptique, et elle a retrouvé la jeune fille qu’elle était en Cassidy», ajoute Aurore Therrien, d’Épilepsie Montréal Métropolitain. «Ce qui est formidable, c’est qu’elle a participé à toutes les étapes de l’organisation de l’événement.»
À la demande de Deirdre, c’est donc Cassidy qui a dessiné le logo de la Journée lavande: une planète Terre enveloppée d’un ruban lavande. C’est aussi elle qui a dicté les lettres envoyées aux différentes associations pour l’épilepsie un peu partout au Canada et aux États-Unis afin de solliciter leur participation. C’est elle encore qui a eu l’idée de créer une page Facebook pour la Journée lavande dans laquelle elle écrit des billets et de courts commentaires, ou encore de demander à des personnalités de porter des vêtements lavande en public le 26 mars. Une idée qui a porté ses fruits. Parmi ceux qui ont accepté de relever son «défi lavande» la première année, on retrouve Paul Shaffer, pianiste du Late Show de David Letterman, les députés du Parlement canadien à Ottawa… et les chutes du Niagara, qui ont été illuminées en violet pour souligner l’occasion.
Touché par l’histoire de Cassidy, John Dunsworth, un des acteurs principaux de la série canadienne Trailer Park Boys, a aussi accepté de bon cœur de mettre la main à la pâte. «Nous voulions faire connaître le Purple Day, mais nous n’avions aucun budget publicitaire et je savais qu’il était proche de notre cause, alors je l’ai contacté» raconte Deirde Floyd. «Le tournage et le montage nous ont été offerts gratuitement et le résultat est magnifique», raconte Deirde Floyd.
Ce message publicitaire mettant en vedette Cassidy, conjugué au site Internet du Purple Day et à sa page Facebook, aura eu l’effet escompté: depuis mars dernier, des centaines d’internautes se sont engagés à organiser leur propre Journée lavande, au grand plaisir de Cassidy et Deirdre. Des ambassadeurs de chaque ville participante, invités personnellement par Cassidy, s’ajouteront aussi à l’organisation afin de promouvoir les festivités locales en 2010.
L’effet Cassidy
En juin dernier, Cassidy devenait la plus jeune récipiendaire du Premier’s Positive Change Award, un prix remis par le premier ministre néo-écossais, Rodney McDonald, aux citoyens dont les actions ont entraîné des changements concrets et positifs dans la société. L’association Epilepsie Toronto a aussi proposé sa candidature pour le Hope Award, remis chaque année aux Canadiens ayant le plus contribué à faire connaître l’épilepsie. Si elle avait eu 16 ans, la fillette aurait sans doute fait partie des candidats pour l’Ordre du mérite de la Nouvelle-Écosse.
De si grands honneurs enfleraient la tête de bien des adultes, mais Cassidy garde les pieds sur Terre: «Ce projet l’a aidé à améliorer son estime de soi, mais elle n’est pas devenue une enfant-vedette. Comme une fillette normale, elle va parler un peu du Purple Day, puis courir jouer avec ses amies… Elle ne se voit pas comme une héroïne: elle est seulement contente de se faire des amis de tous les âges et de les aider à se sentir mieux avec leur maladie», résume Deirdre Floyd.
Autres textes sur Épilepsie
Autres textes sur Santé mentale
Autres livres pouvant vous intéresser
Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires
Une section du guide est réservée aux endeuillés par suicide.
Le livre est disponible au coût de 4,95$.
Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009
Par Internet: http://www.editionstnt.com/livres.html
Par la poste: Reflet de Société 4233 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X4.
Lettrage, bannière et T-Shirt promotionnel
Merci de partager
WordPress:
Filed under: Épilepsie, Santé | Tagged: alan green, anita kaufmann, association épilepsie torronte, association des épileptiques de nouvelle-écosse, aurore therrien, épilepsie, épilepsie montréal métropolitain, épileptique, cancer du sein, cassidy megan, cassidy megan épilepsie, cassidy megan journée lavande, cassidy megan journée lavande pour l'épilepsie, cassidy megan purple day, chutes niagara, chutes niagara en violet, comment vivre avec l'épilepsie, crises d'épilepsie, david letterman, deirde floyd, deirdre floyd, Facebook, fondation anita-kaufman, guides du canada, Halifax, hope award, jamie paetz, john dunsworth, Journée lavande, late show de david letterman, meneuses de claques, New York, nouvelle écosse, ordre du mérite de la nouvelle-écosse, parlement canadien à Ottawa, paul shaffer, premier's positive change award, purple day, rodnye mcdonald, signes avant-coureurs crises d'épilepsie, symptômes de l'épilepsie, trailer park boys, vivre avec l'épilepsie | 6 Comments »