Décriminalisation du suicide assisté et euthanasie
La décriminalisation du suicide assisté et de l’euthanasie reviennent souvent dans les commentaires de nos textes sur le suicide, l’intervention auprès de personnes suicidaires et la prévention du suicide. Peut-on faire le même débat pour un adolescent qui veut se suicider après sa première rupture amoureuse ou une personne de 93 ans en phase terminale et qui vit le martyr?
Pour faciliter les débats en cours touchant l’intervention auprès de personnes suicidaires et éviter de tout mettre dans un même débat, je présente aujourd’hui un billet qui sera réservé au suicide assisté et à l’euthanasie. En plus de ma position personnelle, j’ai inclus la position d’intervenants qui ont une position contraire à la mienne.
Décriminalisation du suicide assisté et de l’euthanasie
Je suis d’accord avec la décriminalisation du suicide assisté. Cela se fait déjà. Une aide par compassion. En étant illégal, le suicide assisté se fait en cachette. Avons-nous pu offrir tous les services d’aide à la personne qui veut se suicider? Est-ce que toutes les alternatives ont été présentées? Quelles sont les conditions dans lesquelles ces suicides assistés se font? À certaines occasions, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu, causant préjudices ou souffrance inutile.
En décriminalisant le suicide assisté, comme l’ont fait certains pays, cela permet de mettre des balises, de garantir que tout ce qui est envisageable de faire pour conserver ou rallumer un espoir de vie à la personne concernée sera fait.
Cela peut nous garantir qu’un geste de compassion prématurée ne sera pas porté. Éviter qu’un sentiment d’impuissance d’un proche le pousse dans une aide au suicide assisté prématurée. Une façon de briser l’isolement de la personne qui souffre et de son entourage.
L’objectif de décriminaliser le suicide assisté et l’euthanasie n’est pas d’augmenter le nombre de suicide, mais de le diminuer, de retarder l’instant d’un passage à l’acte, d’offrir un encadrement pour s’assurer qu’on va mettre en place tous les moyens pouvant arrêter ou diminuer la souffrance, s’assurer d’aider la personne à apprendre à vivre avec certaines souffrances et surtout, s’assurer que la personne qui veut mourir se donne le droit de changer d’idée.
Brian Mishara, spécialiste reconnu en prévention du suicide
Brian Mishara mentionne que les gens qui veulent se suicider ne veulent pas mourir, ils veulent juste arrêter de souffrir. C’est pourquoi il est contre la décriminalisation du suicide assisté et de l’euthanasie.
Suzette Gill: «Je suis malade. En soins palliatifs. Je trouve que le courage dans l’épreuve a bien meilleur goût! Les perspectives sur la vie prennent autrement de l’ampleur. Je reçois chaque jour nouveau comme un cadeau. Je sais que ma souffrance, encore supportable, a une valeur».
Isabelle Martineau intervenante auprès de personnes en phase terminale
Votre texte, très court, commence ainsi: «Je suis en accord avec la décriminalisation du suicide assisté et de l’euthanasie parce que cela se fait déjà et, parfois, dans des conditions misérables, inhumaines et trop rapides». Sans référence à l’appui, vous y allez d’affirmations qui me semblent plus ou moins justes ou, à tout le moins, étonnantes.
Entre autres, vous mentionnez que la décriminalisation du suicide assisté nous permettrait de garantir «que tout ce qui est envisageable de faire pour conserver ou rallumer un espoir de vie à la personne concernée sera fait»… Je ne saisis pas très bien ce que vous entendez par là. Comment, en «permettant» un acte malheureux, on peut garantir les façons de l’éviter? D’autant plus que la littérature sur le sujet démontre plutôt les obscurs dérapages dans les sociétés qui ont permis le recours au suicide assisté.
En fait, M. Viger, je crois qu’il est question ici de deux problèmes fondamentaux. Le premier touche la problématique de la valeur accordée à la vie humaine. Le second fait référence à l’expérience de la souffrance humaine.
La valeur de la vie humaine…
La vie d’une personne humaine est trop importante pour qu’on puisse y mettre fin impunément et qu’on envisage de légaliser le suicide assisté et l’euthanasie. La première condition pour qu’une personne soit «libre» et qu’elle puisse exercer son autonomie, c’est d’abord et avant tout qu’elle soit en vie. Voilà pourquoi notre société met en place les mesures pour que soit protégée cette vie. Une vie qui a une valeur toute particulière. Comme société, il m’apparaîtrait difficile, voire incohérent, de prétendre «protéger» la vie humaine tout en décriminalisant ce qui lui porte atteinte tel que le suicide assisté et l’euthanasie.
… malgré la souffrance
Est-ce à dire que nous devons demeurer indifférents à la souffrance de nos pairs (ex.: les malades chroniques et incurables) en se rabattant sur la crainte de porter atteinte à leur vie? Bien sûr que non.
Je travaille dans une maison de soins palliatifs, auprès de personnes qui sont en phase terminale du cancer. Chaque jour où j’y travaille, je réalise combien la vie humaine porte son lot de souffrances et combien il nous est nécessaire de travailler très fort pour les soulager. Je ne me ferme pas les yeux à la misère humaine sous prétexte que je crois nécessaire de protéger la vie. Au contraire, je cherche à répondre à l’appel du malade devenu dépendant, en tentant de subvenir à ses besoins et en lui reflétant la dignité qu’il porte.
Mais, la vie humaine continue-t-elle à avoir un sens lorsqu’elle est ébranlée par la souffrance et lorsque la fin est toute proche? Cette question peut être posée devant la personne aux prises avec une maladie incurable. Elle peut être posée aussi devant le jeune de la rue qui a été malmené par ses proches, qui est sous l’emprise de la drogue… Pourquoi renoncerions-nous à accompagner le malade incurable dans sa quête de sens, alors que l’on continue à vouloir raccrocher le jeune à la vie? Uniquement parce que le premier sait «quand» il va mourir? Mais nous allons tous mourir. Le jeune de la rue mourra peut-être demain. Alors à quoi bon se battre? À quoi bon chercher un sens à l’existence?
Ce que mon expérience auprès des malades en fin de vie m’apprend, c’est qu’il existe des petits miracles inattendus chez des personnes «condamnées» par la maladie. Mais il faut, pour cela, leur tendre la main et les accompagner dans ce qu’elles vivent en ne renonçant pas. Certaines personnes verront la lumière, d’autres non. Exactement comme pour les jeunes que vous accompagnez. Mais ce n’est pas parce que des malades mourants renoncent à la vie et ont recours au suicide, qu’il faut pour autant «légaliser» le suicide assisté et l’euthanasie. Au contraire, il faut tenter de l’éviter en recherchant des moyens pour soulager les symptômes dont sont affligés ces malades. Exactement comme on recherche des moyens pour aider et soulager les jeunes qui sont désespérés et suicidaires.
Décriminaliser le suicide assisté est-il une solution?
Avancer que la décriminalisation du suicide assisté est une solution pour quelques catégories de personnes, comme les malades incurables, c’est envoyer un message contradictoire aux jeunes… On leur dit alors que la vie humaine a un sens, mais seulement dans certaines situations… Ça laisse croire que, dans certains cas, le suicide peut être une bonne chose ou un moindre mal.
En maintenant ce double discours, je me demande alors comment on peut continuer de justifier toutes les campagnes pour prévenir le suicide chez les jeunes.
Entre un malade atteint de cancer en phase terminale et un jeune délinquant souffrant de maladie mentale suite à sa consommation de drogues (ce que j’ai connu dans mon entourage), je ne sais pas qui souffre le plus. Il est impossible de «mesurer» la souffrance d’autrui. Considérant cela, pourquoi chercher à discriminer les personnes qui pourraient justifier leur recours au suicide de celles qui ne le pourraient pas? Ces critères, qui deviennent arbitraires, sont à mon sens dangereux et ils permettent vite le glissement. On trempe dans une culture de mort où le suicide devient un acte un peu héroïque face à une situation qui apparaît sans issue. Il est grand temps de promouvoir une culture de vie dans notre société. Et, qui sait, peut-être cela permettra-t-il à certains de nos jeunes de retrouver un sens à leur existence?
Je vous souhaite de continuer encore longtemps votre travail auprès des jeunes. Ils sont notre avenir!
Mises à jour des autres débats sur le suicide assisté et l’euthanasie
Patrick Lagacé, 27 mai 2010 sur le suicide assisté et l’euthanasie.
Radio-Canada, 2 octobre 2009, projet de loi sur le suicide assisté et l’euthanasie.
Document de consultation sur le droit de mourir dignement. (Début des auditions fin de l’été 2010, date limite 16 juillet pour une demande d’audition et pour déposer un mémoire sur la légalisation du suicide assisté).
Direction de la Santé Publique. document sur l’aide au suicide et l’euthanasie.
Document de réflexions de l’Association canadienne des soins palliatifs sur l’euthanasie et le suicide assisté.
Référence de l’article Légaliser l’euthanasie et le suicide médicalement assisté? de Marcel Melançon, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi, publié en février 2010 dans la revue Quoi de neuf de l’Association des retraités du Québec (AREQ).
Ressources sur le suicide
- Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Les CLSC peuvent aussi vous aider.
- Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566
- France Infosuicide 01 45 39 40 00 SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
- Belgique: Centre de prévention du suicide 0800 32 123.
- Suisse: Stop Suicide
- Portugal: (+351) 225 50 60 70
Le guide d’intervention auprès de personnes suicidaires démystifie le suicide. Il permet d’aider les proches à reconnaître les signes avant-coureur du suicide et de déterminer qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la personne en crise.
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Le livre est disponible au coût de 9,95$. Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009. Par Internet.
Par la poste: Reflet de Société 4260 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X6.
Maintenant disponible en anglais: Quebec Suicide Prevention Handbook.
Autres textes sur le Suicide
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Le processus suicidaire, suicide, trucs pour réussir son suicide, vouloir mourir, se suicider
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Le processus suicidaire, suicide, vouloir mourir, trucs pour réussir son suicide, se suicider
Extrait du guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires | Dossier Suicide
La période entre le moment de l’événement déclencheur et le passage à l’acte du suicide peut différer d’un individu à un autre. Pour les adolescents, le processus suicidaire peut
être très court, soit de quelques heures ou de quelques jours.
Généralement, le processus suicidaire dure de 6 à 8 semaines, et pour les suicidaires chroniques, il peut aussi être assez long; de quelques mois à plusieurs années.
Le début de la crise suicidaire
Au point de départ, la personne en crise vit une situation problématique grave et difficile. Elle n’arrive pas à trouver dans ses ressources personnelles ou communautaires une solution à son problème. Elle éprouve un besoin de fuir la douleur.
L’idée du suicide, comme solution possible, traverse l’esprit de la personne en crise.
L’idéation est momentanée et passagère; la personne y pense rarement, et de façon vague. Il n’y a pas de planification réelle ou, s’il y en a, elle est floue. Cette idée peut très bien disparaître, pour réapparaître un peu plus tard.
Si les choses ne se règlent pas, les idées suicidaires prennent de plus en plus de place; elles reviennent plus souvent, sont présentes plus longtemps, jusqu’à faire pratiquement partie du quotidien.
Quand le suicide prend toute la place
Les idées suicidaires sont alors continues, persistantes et peuvent devenir obsessionnelles. En même temps, ce questionnement intérieur fait peur. La personne se demande si elle n’est pas en train de devenir folle, ce qui augmente sa souffrance. C’est la période de rumination.
À la période de cristallisation, ou la fixation de l’idée suicidaire, la personne en crise considère le suicide comme l’ultime solution à sa souffrance.
La planification du suicide
Lorsque l’état de la personne se détériore à ce point, la planification du suicide s’est précisée; le moyen, la date, le lieu et même l’heure peuvent être fixés. Durant cette période, la personne peut sembler très calme, car elle perçoit la planification de son suicide comme un apaisement, une issue, un répit.
Plus le processus suicidaire avance, plus les autres solutions que le suicide semblent devenir caduques ou désuètes, jusqu’à ne laisser que le suicide comme unique solution pour enrayer la douleur et la souffrance.
La personne suicidaire est ambivalente jusqu’à la fin. La peur de passer à l’acte subsiste jusque dans les derniers moments. Le suicide est réversible jusqu’à la dernière minute. Il n’est jamais trop tard pour intervenir.
Ressources sur le suicide
Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires
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