Raymond Viger | Dossier Communautaire
Que ce soit une entreprise privée ou un organisme communautaire, la croissance passe par différentes périodes de crise.
N’oublions pas que le mot « crise » vient du grec et veut dire « changement ». Comme un adolescent qui tente de devenir adulte, l’organisme passe par des crises existentielles qui causent des tensions intenses. On ne peut se permettre de demeurer constamment en crise. Cela demande beaucoup d’énergie. On risque d’épuiser son personnel et ses partenaires.
Deux choix s’offrent à nous. D’une part, réduire la taille de l’organisme et oublier le potentiel de croissance que l’organisme possède. Un choix difficilement acceptable pour des bâtisseurs. En plus, il existe un dicton dans le milieu des affaires qui dit que de rester sur place c’est reculer. Parce que le marché dans lequel vous évoluez continue de s’ajuster.
D’autre part, c’est trouver les moyens et les outils pour traverser cette crise et passer à une autre étape. Plusieurs entreprises ont échoué le test. Il y a là un véritable choc des cultures dont il faut être conscient, un changement de mentalité qu’il faut adopter.
C’est à un nouvel administrateur du Journal de la Rue, M. Marc De Roussan, que je dois une meilleure compréhension de ce passage de la crise. Merci bien pour vos éclaircissements.
Un organisme va croître avec les bâtisseurs qui l’ont mis au monde. La croissance de l’organisme fait augmenter les charges de travail des pionniers de l’entreprise. Il faut plus de personnel pour tout faire, donc plus de budget. L’organisme qui était rentable avec une personne généraliste qui faisait tout, peut perdre sa rentabilité en engageant trop de personnel pour faire le travail.
Premier dilemme. Les pionniers de l’entreprise l’ont vu grandir. Ils en maîtrisent tous les rouages. La taille de l’entreprise rend impossible de trouver une personne capable de remplacer le fondateur et de faire tout ce qu’il fait. Autre problème. L’entreprise n’a pas encore les budgets et les outils nécessaires à l’embauche de spécialistes qui vont prendre en main chacune des fonctions du fondateur.
Cette pédiode fragilise l’entreprise. C’est la période de crise ou l’embauche de nouveaux employés n’est pas facile. Il n’y a pas encore suffisamment de travail pour un spécialiste qui ne fait qu’une fonction. Il faut créer des postes de travail temporaires ou le nouvel employé devra assumer plusieurs définitions de tâches avant d’en arriver éventuellement à une phase ou il pourra exercer à plein temps une fonction bien précise. Il faut donc rechercher les futurs spécialistes de l’entreprise qui sont, pour l’instant, versatiles et flexibles. Capables de s’adapter dans un environnement de travail qui va changer pendant un certain temps.
Les fondateurs de l’entreprise doivent être ouverts d’esprit. L’organisme va changer. Les anciennes procédures, les anciennes façons de faire vont soient disparaître, soient être modifiées de fond en comble. Ce qui était vrai hier ne le sera plus demain. Il faut se poser de nouvelles questions. Dans les habitudes de travail que nous avons développées, qu’est-ce qui fait parti intégrante de l’essence de l’organisme, qu’est-ce qui peut être rajeuni?…
Les nouveaux employés devront aussi être ouverts d’esprit. On ne peut tout mettre à la poubelle du revers de la main. Et tout ne pourra pas être changé en même temps. Il faut se donner un agenda, décider ensemble des priorités de changement, vers quoi on veut tendre… Il faut analyser chaque procédure, chaque tâche et la redéfinir. Les repères n’existent pas encore. Cela va prendre beaucoup de complicité entre les vieux meubles de l’entreprise et les nouveaux qui veulent y faire leur place.
Dans le plan d’action qui sera réalisé, les fondateurs devront accepter de lâcher-prise sur certaines fonctions et procédures. Les nouveaux employés devront accepter que certains changements, jugés non prioritaires, ne seront pas réalisés à court terme.
Les crises de croissance d’un organisme demandent beaucoup d’acceptation de part et d’autre, beaucoup d’ouverture d’esprit et beaucoup de communication. L’équipe de travail se retrouve pendant une période de temps à négocier l’espace des anciens et l’espace des nouveaux.
Qui va faire quoi, comment, avec quel budget et pour atteindre quels objectifs? Une remise en question constante qu’il ne faut pas négliger.
Autres textes sur Communautaire
- Troquer pour mieux vivre et récupérer
- Internet, journalistes et organismes communautaires
- Cybercap et le multimédia
- La fondation du docteur Gilles Julien
- Le garage des jeunes
- Centre communautaire pour aînés Chez-Nous
Ce billet, ainsi que toutes les archives du magazine Reflet de Société sont publiés pour vous être offert gracieusement. Pour nous permettre de continuer la publication des textes ainsi que notre intervention auprès des jeunes, dans la mesure où vous en êtes capable, nous vous suggérons de faire un don de 25 sous par article que vous lisez et que vous avez apprécié.
Merci de votre soutien.
D’un couvert à l’autre
Le livre retrace les 25 ans d’histoire de l’organisme Journal de la Rue, les principaux évènements que l’organisme a traversé et parle avec émotions et réalisme de la réalité de l’intervention auprès des jeunes.
Une section est dédiée au dernier projet de l’organisme, le bistro Ste-Cath, l’histoire quotidienne de ce lieu mais également la relation entre les artistes et le public, notamment Elizabeth Blouin-Brathwaite, Pascal Dufour, Sule Heitner, B.U, Davy Boisvert,…
Une co-publication entre Delphine Caubet et Raymond Viger. Photographies Georges Dutil. Une couverture de l’artiste Geneviève Lebel. Le livre est disponible en édition de luxe (30 pages en couleur) à 24,95$ ou en noir et blanc à 19,95$ (plus 4,95$ taxe et livraison). Aux Éditions TNT. (514) 256-9000.
Autres livres pouvant vous intéresser
- Roman de cheminement, L’amour en 3 Dimensions
- Les 25 ans du Café Graffiti et l’ouverture du Ste-Cath
- Guide d’intervention auprès d’une personne suicidaire
- Comment écrire un blogue pour être vu et référencé?
- Comment intervenir auprès des jeunes, Opération graffiti?
- LOVE in 3D
- Québec Suicide Prevention Handbook
- Recueil de textes à méditer
- Liberté… Un sourire intérieur
C’est un équilibre qu’il faut savoir gérer et qui n’est pas toujours évident. Le changement nécessite du temps et de l’argent. Tout est possible si on se donne ces deux ingrédients.
Vis-à-vis le temps requis pour atteindre les objectifs, les jeunes peuvent s’imaginer qu’il y a résistance aux changements. Les plus vieux peuvent s’imaginer que les jeunes veulent effacer d’un coup sec les procédures qui ont fait leur preuve.
Une communication très ouverte et très franche est essentielle pour éviter un choc des cultures insurmontables.
J’aimeJ’aime
Si je comprend bien vous êtes à un tournant au sein de votre revue. Un changement de garde.
L’important est le dialogue dans la dignité de l’autre. La tendance des jeunes, en général, est de voir uniquement les choses à changer, et imposer leur vision. Leur drive, leur feu ou passion doivent être un peu encadré pour ne pas tout jeter et surtout de ne pas les éteindre.
Tout un défi, bonne chance!
J’aimeJ’aime