Chercheurs et grands spécialistes dans les colloques pour les intervenants
Il y a quelques jours, j’ai participé à un colloque sur la prévention de la criminalité et des gangs de rue. Très intéressant en ce qui me concerne. J’ai réussi à tirer mon épingle du jeu
Il y a eu plusieurs intervenants intéressants à rencontrer. Certains que je n’avais pas vu depuis plusieurs années. Une belle occasion d’échanger sur nos pratiques.
Pendant certaines conférences, ennuyantes à mourir, mon esprit se met à penser à toutes sortes d’idées que je m’empresse à noter sur un calepin. Les conférenciers, même mauvais, stimulent ma créativité.
Je dois faire un constat sur la qualité des conférenciers qu’on nous sert pendant certains colloques. La majorité des conférenciers étaient des chercheurs, de grands spécialistes en provenance de presque tous les pays du monde. J’ai divisé leur participation en 3 mouvements pour juger de leur pertinence à un colloque.
1- Je suppose que toutes ces personnes sont d’imminents chercheurs et qu’ils sont capables de nous sortir une étude complète en 600 pages. Je ne ferais pas un débat sur la qualité de leur travail. Je suppose que si on a décidé de les inviter dans comme conférencier, cette brique de 600 pages doit être intéressantes et cohérentes.
2- La capacité de synthèse du chercheur. En supposant qu’ils ont un excellent recueil de 600 pages, est-ce que le chercheur peut me faire une conférence de 15 minutes et synthétiser cette information en quelques pages cohérentes et pertinentes? Sur ce point, aussi imminent soit-il en tant que chercheurs, plusieurs ont une capacité très restreinte de synthèse.
3- La capacité de communiquer à un auditoire leur synthèse d’une façon intéressante et attrayante.
Quand je ressorts de ces colloques, je me demande toujours combien a pu coûter un imminent chercheur que l’on fait venir de l’autre bout de la planète?
Et j’ai une question qui me donne encore plus le mal de ventre. Il arrive régulièrement qu’à ces colloques ont demande à des gens qui sont plus près du terrain de prendre la parole. Si on a des budgets pour ces imminents spécialistes qui ne savent pas comment communiquer leur savoir, pourquoi quand arrive le tour des intervenants du communautaire les budgets ont tous fondus et qu’il ne restent plus rien?
Les gens qui ont une pratique plus près du terrain n’ont pas nécessairement une plus grande capacité de communiquer. Encore une fois, il faut faire des choix cohérents pour le bien-être des gens qu’on veut éduquer et instruire.
Certains ont mérité d’être entendu, d’autres ont été des déclencheurs pour que mes idées remontent et noircissent les feuilles de mon calepin. Pour certains organisateurs, les diplômes sont gages de réussite pour une conférence. En ce qui me concerne, c’est à ces fruits que l’on reconnaît l’arbre.
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Les experts-minute de la télé
Garantis incollables
Erwan Desplanques
Une épidémie de grippe folle en Tchouvachie ? Vite, un spécialiste ! Universitaires à la parole facile et au savoir tout-terrain, ils sont la providence des plateaux. Mais sont-ils toujours crédibles ?
On s’habitue à leur visage. A la sagesse de leurs rides. Professeurs, ils donnent la moitié de leurs cours à la télévision. Et nous les écoutons scolairement, dans les JT et les émissions de débat. Ils colloquent, nous acquiesçons. Ils pérorent, nous approuvons. Pour eux, la télé est une ZEP (zone d’éducation privilégiée) qui comble leur ego et assure la promotion de leurs livres. On commence à retenir leurs noms : Antoine Sfeir et Pascal Boniface sur le Proche-Orient, Odon Vallet sur la religion, Nicole Bacharan sur les Etats-Unis, Marcel Rufo sur les enfants… Tous proclamés « experts » par les médias, qui en raffolent.
Le phénomène a commencé avec la première guerre du Golfe, durant laquelle les expertises militaires ont pallié l’absence d’images. Puis s’est accentué avec l’effondrement du World Trade Center. « Le 11 septembre 2001, à 17 heures, j’avais déjà reçu une cinquantaine d’invitations, raconte Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes. J’ai finalement assuré une quinzaine d’interventions sur les télés, à chaud, jusqu’à 2h30 du matin. »
Auparavant, dans les journaux télévisés, ce type d’analyse était confié au chef de service concerné (qu’on se rappelle Régis Faucon ou Gérard Carreyrou sur TF1). Puis la tendance fut de déléguer cette parole à des spécialistes extérieurs. « Les chaînes américaines font ça depuis vingt-cinq ans, note Jean-Christophe Geffard, rédacteur en chef à LCI. Un avion s’écrase dans des marais en Floride ? Sur le plateau des JT, vous avez dans l’heure un spécialiste des crocodiles. » Tout le monde y gagne. Les chaînes, d’abord, en mal de légitimation. Les professeurs, ensuite, avides de reconnaissance. « Les médias ont toujours fonctionné par une alternance de phases de peur et de sécurisation, explique Denis Muzet, sociologue et auteur de La Mal Info (1). Qu’il s’agisse de la grippe aviaire ou de la vache folle, la télé sollicite des experts pour alerter, puis d’autres pour rassurer. » Cette consommation s’est aussi amplifiée avec l’essor d’émissions dites de « news and talk » (débat sur l’actualité), comme Ripostes ou C dans l’air (France 5), respectivement lancées en 1999 et 2001. Avec près de mille deux cents invités par an (dont mille qui ne passeront qu’une fois), l’émission d’Yves Calvi prend parfois l’allure d’un vaste télé-crochet pour sociologues et historiens (lire page 32).
Ce manège médiatique n’est pas toujours bien vu. « Dans le milieu académique, on considère qu’il s’agit de compromission et de narcissisme », constate Dominique Reynié, chercheur au CNRS et professeur à Sciences-Po. « Certains collègues ont un profond mépris pour ceux qui passent à la télévision ou à la radio, ajoute Pascal Boniface, mais il suffit qu’une de leurs lettres soit publiée dans le courrier des lecteurs d’un journal pour qu’ils l’affichent sur la porte de leur bureau. Ça a toujours fonctionné ainsi : à l’Université, le clou qui dépasse appelle le marteau. » Dans son essai Sur la télévision, publié il y a tout juste dix ans, Pierre Bourdieu s’en prenait déjà aux fast-thinkers, ces intellos censés réfléchir pertinemment dans l’urgence. Il fustigeait ces « spécialistes de la pensée jetable », prestataires de services d’une télé où l’on n’avance que par « idées reçues ». Pour Bourdieu, « le déploiement de la pensée pensante est intrinsèquement lié au temps ». Or le rythme qu’impose la télévision serait incompatible avec toute profondeur de raisonnement. Gilles Deleuze évoquait lui aussi cette « domestication de l’intellectuel », condamné à la « pensée-minute ». A l’époque, la critique valait pour des penseurs tout-terrain comme Jacques Attali ou Alain Finkielkraut. Des figures qui se font peu à peu voler la vedette par des anonymes, des « intellectuels spécifiques » – d’après la formule de Michel Foucault, par opposition aux « intellectuels universels ». Des universitaires reconnus dans un domaine précis et devenus persona gratissima à la télévision (lire le palmarès ci-dessous) et sur les ondes.
Tous ont démarré de la même façon : par la conjonction providentielle d’une publication et d’un événement. Un ouvrage sur la « menace Ben Laden » qui paraît quelques mois avant le 11 septembre 2001, un livre sur l’extrême droite qui sort la veille du 21 avril 2002… et voilà leurs auteurs accueillis en grande pompe dans les médias. Seul impératif pour y rester : jouer le jeu. « Une fois que l’on accepte de passer à la télévision, il faut accepter ses contraintes et ses formats, accepter de ne parler que trente ou quarante-cinq secondes. C’est un exercice singulier, qu’on ne confond pas avec un colloque », dit le politologue Dominique Reynié. Ainsi, ils ne seraient pas tant des fast-thinkers que des fast-talkers (« parlant vite »). « Un universitaire a un public captif, dit Odon Vallet. Moi, j’ai vingt secondes, sinon le téléspectateur zappe. »
Tous s’imposent la même règle : ne jamais annuler un cours à la fac. Régulièrement contacté par des « télés canadiennes, chinoises ou coréennes », Antoine Basbous dit « refuser entre 50 % et 70 % des invitations ». Appelés au dernier moment, d’autres sont prêts à traverser Paris en moto-taxi pour se rendre en studio. Dans l’urgence, certains changent même de casquette : « Cet été, j’ai été invité à C dans l’air pour parler du coup de boule de Zidane, mais Beyrouth a été bombardé dans la nuit, alors j’ai finalement parlé de la guerre au Liban », raconte Pascal Boniface.
Dans l’ensemble, les experts savourent les émissions en direct, type Ripostes ou Mots croisés. Et retoquent les talk-shows bas du front (L’arène de France, On a tout essayé). Leurs motivations sont diverses : pédagogiques (« Je viens d’un milieu modeste et souhaite mettre mes connaissances à la portée du plus grand nombre; les questions stratégiques ne sont pas réservées au 7e arrondissement », Pascal Boniface), sociales (« Nous sommes là pour apaiser, de même que les gendarmes calment les forcenés retranchés en les raisonnant », Odon Vallet), méta-médiatiques (« Je suis toujours curieux de voir comment travaillent les journalistes », Dominique Reynié), égotiques (« Ça renvoie aux prix de récitation de notre enfance et, plus généralement, au travail du comédien », Odon Vallet). Mais ces motivations sont aussi, souvent, de nature pécuniaire : s’il sont rarement payés par les chaînes, nombre d’entre eux utilisent cette notoriété dans leurs activités de consultants auprès d’entreprises ou de ministères.
Au-delà de ces considérations, ces profs ont en commun le sens du défi : faire comprendre simplement des questions complexes. Un exercice louable, mais souvent périlleux. Sur le Proche-Orient, par exemple, le format télévisuel réclame des positions tranchées. Dans son livre La Nouvelle Islamophobie, Vincent Geisser, chercheur au CNRS, démontre que les « experts sécuritaires » sollicités depuis le 11 Septembre (Encel, Sfeir, Basbous) ne sont pas les plus légitimes, mais ceux qui répondent le mieux à ce que les médias veulent entendre. Il cite d’autres islamologues (Olivier Roy, François Burgat) que la télévision a occultés à cause de leur discours trop nuancé. Selon lui, ces « experts de la peur » véhiculent quasiment tous l’idéologie du « choc des civilisations », ainsi qu’« un certain nombre de préjugés et de stéréotypes sur les jeunes Français d’origine musulmane et certaines organisations accusées de faire le lit de l’islamo-terrorisme dans les banlieues populaires ». A travers l’apparente neutralité du titre d’expert, tous défendraient un camp plus qu’un autre. Hypothèse qui se confirme chez certains – tel Frédéric Encel, géopoliticien et « bon client » cathodique, mais aussi ex-sympathisant du Bétar (une organisation sioniste ultra), auquel Boniface reproche d’usurper son titre de prof à l’ENA – mais s’infirme chez beaucoup d’autres. « Après certaines interventions à la télé, j’ai reçu à la fois des menaces islamistes et des coups de fil du Bétar », confie Antoine Sfeir, induisant qu’il ne privilégie aucun parti.
Quoi qu’il en soit, un doute est né dans l’esprit du public. Une défiance récemment avivée par l’épisode du référendum européen où, sous couvert d’expertise, les sondeurs (Giacometti, Lech, Cayrol) ont globalement promu le « oui » à la Constitution. « L’expert est devenu suspect car il est associé à la parole d’en haut », explique Denis Muzet. Une parole en profond décalage avec celle qui émerge sur Internet. En réponse, certaines chaînes ont commencé à jouer la carte du débat-café du Commerce, où s’attablent des chroniqueurs fringants capables d’écumer tous les sujets d’actualité en surface (N’ayons pas peur des mots, sur i>télé; En aparté, sur Canal+), quand elles ne laissent pas directement la parole aux téléspectateurs (On en parle, sur LCI). « De plus en plus, l’expert qui a pignon sur rue est battu en brèche par le Français-expert, poursuit Muzet, rejoignant la thèse de Jean-Louis Missika sur « l’égalisation du statut de la parole ». Or c’est une supercherie de faire croire que l’auditeur de RMC a autant de légitimité qu’un professeur d’université. Parce qu’on est dans le témoignage, jamais dans l’expertise. » Peut-être que la télévision du futur ne sera plus une chaire universitaire mais un comptoir. Où, craignant d’être manipulés, les élèves feront cours à la place du prof .
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C’est très intéressant et je me dis que cela distingue, comme sur un corps, ceux qui demeurent dans la tête et ceux qui apprennent à s’exprimer par le coeur… Cela demande d’être à niveau égal. La tête de ces spécialistes théorisent, et imaginent la vie de la rue … mais c’est le coeur des hommes sur le terrain qui, au bout du compte, vivent les émotions et vibrent au qotidien avec les jeunes!
Chantal Laure
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