Un texte de Virginie Francoeur, PhD. publié sur Reflet de Société | Dossier Environnement

Présentées comme la clé de l’avenir pour la protection de l’environnement, les initiatives favorisant l’adoption de comportements écoresponsables en milieu de travail se multiplient. Le soutien social et l’empowerment sont des leviers de changements écologiques.

On peut découvrir des exemples d’initiatives sur la page d’accueil des sites web de nombreuses entreprises : réduction de l’utilisation des bouteilles d’eau en plastique, déploiement de poubelles centralisées, compostage de déchets alimentaires, campagnes de sensibilisation pour réduire la consommation d’électricité, marche ou vélo favorisé pour se rendre au bureau, etc. Comment peut-on soutenir les employés dans l’adoption de ces comportements écoresponsables ?

Les études sur le sujet montrent que pour changer nos comportements individuels à l’égard de l’environnement, il faut examiner des déterminants psychosociaux, comme le soutien social. À ce propos, les employés qui occupent des fonctions managériales jouent un rôle essentiel. En fonction de leur propre croyance environnementale, les gestionnaires peuvent soutenir, aider et encourager les employés à s’engager dans l’écologisation.

Le soutien social peut prendre des formes variables1 : instrumentale (ex. : affecter des ressources pour réduire la pollution), informationnelle (partager un savoir-faire et des connaissances tacites sur l’environnement), évaluative (donner une rétroaction sur des initiatives environnementales) ou émotionnelle (manifester de l’écoute ou de l’empathie face à l’éco-anxiété).

Un enjeu sérieux

Ces formes de soutien envoient un signal fort :  le gestionnaire considère l’environnement comme une question sérieuse et il est prêt à aller au-delà de sa description de tâches pour résoudre des problèmes environnementaux. Pour l’employé, le soutien est le reflet de la cohérence entre le discours environnemental tenu par son gestionnaire, ses prises de décision et ses actes quotidiens.

Une étude publiée durant mon doctorat s’appuie sur des données recueillies auprès de 449 employés travaillant dans le secteur des services, elle démontre que les employés soutenus répondent généralement par des comportements positifs au travail, tels que les comportements écoresponsables2.

La théorie de l’échange social, développée dans les années 60 par le sociologue américain Peter Michael Blau, offre des pistes intéressantes pour comprendre l’influence du soutien social dans un contexte environnemental.  Cette théorie suggère qu’un échange relationnel de qualité entre un employé et un membre de son organisation (ex. : gestionnaire, superviseur immédiat, collègue) génère un sentiment de réciprocité supérieur à une relation d’échange purement économique3.

Cette volonté de réciprocité qui n’est pas régulée par un contrat ni guidée par l’individualisme serait à la base des comportements positifs de la part des employés, devenant le moteur d’une action collective au sein des milieux de travail4. Cette perspective présente un fort potentiel pour déployer des initiatives environnementales concrètes, car chaque geste de soutien peut avoir un impact sur l’environnement. Il n’est donc pas nécessaire de recourir à des solutions coûteuses pour avoir une incidence significative. 

Plus récemment, nous avons réalisé une étude sur l’influence de l’empowerment auprès d’employés travaillant dans des entreprises privées5. L’empowerment, souvent appelée « habilitation psychologique » en français, comporte quatre dimensions reliées au travail: les compétences (posséder toutes les capacités nécessaires pour atteindre un bon niveau de performance), le sens du travail (avoir des tâches qui ont beaucoup d’importance à ses yeux), le pouvoir de décision (prendre des décisions de manière autonome) et l’impact (avoir beaucoup d’influence au sein de son groupe)6.

Défis écologiques

Nos résultats montrent que les employés qui ont le sentiment ou la perception qu’ils vivent une expérience d’empowerment sont plus motivés à effectuer les tâches requises de manière écologique. Voici des exemples de tâches requises : réduire à zéro l’impression de documents de travail, récupérer du papier recyclé pour écrire des notes de service, optimiser les programmes d’expédition et de développement de procédé de fabrication pour éviter tout achat de nouvel équipement, etc.

En résumé, le soutien social et l’empowerment sont des ressources positives et cruciales en matière d’écologisation des entreprises, car elles peuvent générer un sentiment de réciprocité et entraîner chez les employés des comportements écoresponsables éclairés. En fonction de ces apprentissages, les entreprises, de la haute direction au superviseur immédiat, peuvent concevoir et développer une culture de soutien environnemental.

La littérature en ressources humaines fait constamment état du rôle essentiel de la formation environnementale. L’amélioration des compétences et la mise à jour régulière des connaissances environnementales sont primordiales et essentielles. Les entreprises peuvent suivre l’exemple du Programme de développement durable des Nations Unies qui prône 17 objectifs pour transformer notre monde d’ici 2030 de façon considérable et salutaire7.

Ce nouveau cadre mondial, élaboré à la suite d’une période de trois années de réflexion auxquelles ont contribué les États membres des Nations unies et des milliers d’acteurs du monde entier, devrait encourager la mobilisation environnementale. Une autre piste intéressante passe par la consultation du Regroupement Des Universitaires8 dont je suis membre, qui prend position publiquement en faveur de la lutte aux changements climatiques.  Malgré toutes ces initiatives pertinentes, des obstacles peuvent diminuer l’engagement environnemental des employés.

Lieu de rédaction : La Croissanterie Figaro, rassasiée par la salade niçoise 

Musique dans les oreilles : Neil Young 

À lire : Pour une écologie du 99%, publié chez Écosociété

Sources :

  1. Eisenberger, R., & Stinglhamber, F. (2011). Perceived organizational support: Fostering enthusiastic and productive employees. American Psychological Association.
  2. Consultez notre étude : Raineri, N., Mejía-Morelos, J. H., Francoeur, V., & Paillé, P. (2016). Employee eco-initiatives and the workplace social exchange network. European Management Journal, 34(1), 47-58.
  3. Blau, P. M. (1964). Exchange and power in social life. Transaction Publishers.
  4. Lavelle, J. J., Rupp, D. E., & Brockner, J. (2007). Taking a multifoci approach to the study of justice, social exchange, and citizenship behavior: The target similarity model. Journal of Management, 33(6), 841–866.
  5. Consultez notre étude : Paillé, P., & Francoeur, V. (2022). Enabling employees to perform the required green tasks through support and empowerment. Journal of Business Research, 140, 420–429.
  6. Spreitzer, G. M. (1995). Psychological empowerment in the workplace: Dimensions, measurement, and validation. Academy of management Journal38(5), 1442-1465.
  7. Consultez les 17 objectifs pour sauver le monde : www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
  8.  Consultez le site du Regroupement : desuniversitaires.org/

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