Survivre grâce à son monde intérieur
La bande de Gaza est un mince quartier de citron glissé entre Israël et la Méditerranée.
Colin McGregor, prison de Cowansville | Dossier Prison
Un lieu désertique et pauvre où s’entasse près d’un million de gens, coincés derrière des clôtures, où ils vivent dans la misère, sans emploi et souvent désespérés.
Un livre récent à propos d’eux donne la raison de leur survie: la seule manière de tenir le coup, peut-on y lire, est «de se construire un monde secret à l’intérieur», la manière habituelle d’expliquer comment les gens survivent aux situations difficiles de ce genre.
Du prisonnier à l’enfant abusé, en passant par l’étudiant du secondaire qui tente de demeurer éveillé dans une classe intolérablement ennuyeuse, quiconque se trouve coincé dans une situation dont il ne peut se déprendre se crée un «monde secret».
Vivre en société
Dans ce monde, il nous est possible de vivre. Sans lui, nous ne faisons qu’exister. Le monde secret que nous nous créons peut être bon ou mauvais, constructif ou destructif. Richard More, le philosophe d’Oxford, qui fut prisonnier durant la Deuxième Guerre mondiale, dit que ces mondes sont «faits de rien». Nous voyons les résultats de ces mondes secrets tout autour de nous.
L’art résulte en grande partie du monde secret d’une personne. Le sculpteur d’une œuvre que vous admirez lors d’une exposition, l’artiste qui peint un tableau merveilleux ne ressemblent peut-être pas à ce que vous imaginez lorsque vous regardez leurs productions. Ainsi, le peintre d’un skate aux couleurs vibrantes peut être un sexagénaire diabétique. Mais dans son monde secret, il est agile et capable d’une rotation à 720 degrés sur le bord d’une demi-lune.
La réalité de ce monde secret
Les psychologues gagnent bien leur vie à ramasser les dégâts après les crimes. Un voisin pourra répondre aux médias: «On n’aurait jamais cru qu’il puisse faire une chose pareille. Il avait l’air si tranquille.» Mais en examinant son monde secret, on pourrait trouver des indices. Ou peut-être pas.
On ne peut contrôler le monde secret des autres. Mais nous pouvons maîtriser le nôtre. L’espace entre mes deux oreilles m’appartient. Rempli de musique, de littérature, de pensées altruistes et du désir d’aider les autres, cet espace peut devenir un lieu de lumière. Des études montrent que plus on lit de la fiction, plus on devient sensible aux autres. Pourtant, il y a des limites. Je ne peux deviner ce que pense ce brave homme, au bout du corridor, lorsqu’il lave chaque parcelle de sa cellule tous les jours. Que lave-t-il? En prison, on ne peut jamais demander.
Un monde secret en prison
Deux genres de monde secret font souffrir les prisonniers plus que tout. Premièrement, celui de ceux qui vivent dans le passé. Ceux qui parlent du bateau qu’ils possèdent (acheté grâce aux revenus de la cocaïne) ou des gens célèbres qu’ils ont fréquentés, ou des endroits où ils allaient, comme s’ils pouvaient y retourner demain. L’amertume ronge leur âme.
Puis il existe un cachot pire que tous ceux fabriqués par l’homme: celui de ceux qui ont des enfants, qui vivent au présent. Des enfants qui grandissent sans père. Une cellule remplie de photos d’enfants souriants devient ainsi une salle de torture. Une mise à l’écart de l’amour. Gaza est pleine de familles rassemblées, à plusieurs générations dans le même appartement. Leurs mondes secrets leur offrent au moins cela.
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Les livres de Colin McGregor
Journaliste dans divers médias à travers le pays; Halifax Daily News, Montreal Daily News, Financial Post et rédacteur en chef du Montreal Downtowner. Aujourd’hui, chroniqueur à Reflet de Société, critique littéraire à l’Anglican Montreal, traducteur et auteur aux Éditions TNT et rédacteur en chef du magazine The Social Eyes.
Parmi ses célèbres articles, il y eut celui dénonçant l’inconstitutionnalité de la loi anti-prostitution de Nouvelle-Écosse en 1986 et qui amena le gouvernement à faire marche arrière. Ou encore en Nouvelle-Écosse, l’utilisation répétée des mêmes cercueils par les services funéraires; scoop qui le propulsa sur la scène nationale des journalistes canadiens.
Love in 3D
Enjoy our tale of the quest, the human thirst, to find light from within the darkness.
This is a tale for everyone, young and old, prisoner and free.
Love in 3D. Une traduction de L’Amour en 3 Dimensions.
Teammates
Three teenage friends on a college rugby team in the shrinking community of English Montreal – three friends each facing wildly different fates.
This is the story of Bill Putnam, whose downward trajectory we first begin to trace in the late 1970s, and his friends Rudy and Max.
Teammates, their paths will cross in ways they never dreamt of in the happier days of their youth.
Quebec Suicide Prevention Handbook
Le suicide dérange. Le suicide touche trop de gens. Comment définir le suicide? Quel est l’ampleur du suicide? Quels sont les éléments déclencheurs du suicide? Quels sont les signes avant-coureurs? Comment intervenir auprès d’une personne suicidaire? Comment survivre au suicide d’un proche?…
Ce guide est écrit avec simplicité pour que tout le monde puisse s’y retrouver et démystifier ce fléau social. En français. En anglais.
Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009
4233 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X4.
Merci Sylvain pour ton commentaire.
J’aime bien aussi ta description:
« nous ne ferons que répéter le naufrage des tempêtes de nos prédécesseurs »
J’envoie une copie de ton commentaire à Colin. Il n’a pas accès à l’Internet en prison.
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« L’art résulte en grande partie du monde secret d’une personne » J’adore ce passage. Parfois, ce qui peut être long pour toucher la belle partie de nous-même est d’accepter le passé tel qui l’est, de faire preuve de compassion envers nous-même et pardonner à ceux qui nous ont détruit. C’est par ce chemin que l’ont peut accéder à ce monde secret d’amour et de lumière. Sinon, nous ne ferons que répéter le naufrage des tempêtes de nos prédécesseurs. Quand le désir de changer apparaît, quelle merveilleuse aventure que de rétablir un lien d’amour avec nous-même. Bonne journée Raymond
Sylvain
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