Un article de Raymond Viger publié sur Reflet de Société | Dossiers Famille, Politique.

Maria Bilash quitte son pays natal, l’Ukraine, en 2006 pour regagner Paris. Un trajet de 48 heures en autocar. Elle y suit un programme pour apprendre le français, tout en gardant des enfants.

Bien qu’à Paris on puisse trouver des restaurants de presque toutes les origines nationales (russe, japonais, polonais…) aucun restaurant ukrainien. Elle s’ennuie des mets de son pays natal. C’est ainsi qu’en plein cœur de Paris, une fois par mois le dimanche matin, Maria lance le concept d’un brunch ukrainien. Les restaurants sont normalement fermés en cette matinée. Éviter d’être en compétition avec les restaurateurs lui permet de faire un petit revenu supplémentaire.


Elle se retrouve ainsi au fameux Club des poètes, sous le patronage de Blaise Rosnay. Un lieu où la poésie prime. Leur devise : Je veux rendre la poésie contagieuse et inévitable. Le concept fonctionne très bien. Une fois par semaine, elle organise même des livraisons.


De Paris à Montréal
C’est à Paris qu’elle rencontre son mari, François Ferland, un Québécois en poste comme chercheur. En 2017, avant qu’il ne revienne au Québec pour un nouvel emploi, il participe à son premier brunch organisé par Maria. Le temps de régler les démarches permettant à Maria d’immigrer au Québec, ce n’est qu’en 2018 qu’elle quitte Paris pour s’établir officiellement à Montréal.


Elle veut reprendre l’expérience de son petit restaurant éphémère à Montréal. Cependant, elle n’a pas encore de réseau dans son nouveau pays d’accueil. Son état de jeune maman et l’arrivée de la pandémie l’obligent à reporter son projet.


Maria se retrouve par hasard au Bistro le Ste-Cath, à l’occasion d’une soirée de poésie pour le lancement d’un recueil. Cette scène artistique est un organisme communautaire dont tous les profits sont reversés à la communauté. Elle tombe amoureuse du lieu. Maria ne peut résister à l’idée d’y faire son premier brunch à Montréal, Le Petit Varenyk, à l’automne 2022. Elle pourra ainsi décorer la salle à manger dans l’esprit de son pays natal, avec notamment des centres de table brodés à la main par son arrière-grand-mère. Ceux-ci sont tellement précieux pour la communauté ukrainienne que personne n’ose les étendre sur une table. Ils ornent une icône ou encore sont suspendus aux murs.


La poterie et la vaisselle originales sont en terre cuite et proviennent de sa région natale d’Opichnya. Le Varenyk, c’est la cuisine ukrainienne traditionnelle ou revisitée au goût du jour. Les plats sont originaires de différentes régions, faits maison avec amour et soin.


Le concept ne lui sert plus de revenu d’appoint mais sera dédié au financement d’organismes et de projets pouvant être significatifs pour l’Ukraine. Pour son premier brunch, l’argent ramassé sera versé soit à un organisme fournissant des services de base à la population, soit aux besoins militaires de l’Ukraine. C’est le client du brunch qui décide où va aller son argent.

L’événement sera repris à l’hiver 2023. C’est au tour d’une école située dans Hochelaga-Maisonneuve de recevoir les dons de Maria. Elle réussit à plus que doubler la mise. Une somme de 3400 $ sera remise à l’école ukrainienne Taras Shevchenko. Elle utilise trois étages des locaux de l’école secondaire Eulalie-Durocher. Cette école vise à renforcer la culture ukrainienne, à soutenir les réfugiés ukrainiens et à les aider à s’intégrer. Elle souhaite créer un pont entre les Ukrainiens déjà au Québec depuis un certain temps et les nouveaux arrivants. Le montant a été ramassé à partir de seulement 60 personnes qui ont assisté à son événement. Certains se sont déplacés des Cantons-de-l’Est pour soutenir le projet de Maria et y participer.


Réalité d’un réfugié
Un nouvel arrivant peut attendre jusqu’à six mois avant de pouvoir débuter des cours de francisation ! L’école ukrainienne a ainsi son importance pour utiliser la période d’attente et débuter son intégration dès son arrivée en sol québécois.


Beaucoup d’implication et de dons de soi sont nécessaire pour la réalisation d’un tel projet. Amis et parents mettent la main à la pâte. Pour le premier brunch en sol québécois, François, le mari de Maria, s’est impliqué à la cuisine avec ses beaux-parents. Pour le deuxième brunch, ses parents ont eu l’occasion de le faire. Avec Louisa, leur fille, ce sont trois générations qui se retrouvent entourées d’amis pour réaliser leurs exploits.


Maria envisage de faire quatre événements par année. Un par saison. La cuisine ukrainienne est différente d’une saison à l’autre, selon les disponibilités. Même si le Borscht (potage ukrainien à base de betteraves cru) et le varenyk (gros dumpling farci avec patate,
fromage et autres condiments) se retrouvent sur le menu à longueur d’année, sa composition varie selon les besoins et les possibilités.


Mais au-delà de l’argent, l’objectif sous-jacent à cette implication bénévole de Maria est de faire découvrir la culture ukrainienne et de sensibiliser les Québécois à leur réalité.


Et si vous pensez que Maria va s’arrêter avec ce projet, c’est bien mal la connaître. Avec François, elle organise une exposition d’artistes ukrainiens qui fait une tournée dans des bibliothèques et lieux communautaires.


Les parents de Maria ont quitté l’Ukraine le temps de quelques semaines, pour l’accompagner durant le brunch et voir leur petite fille unique, mais peuvent y retourner. Pour ce faire, ils ont dû sortir de l’Ukraine en autocar pour se rendre en Pologne, un pays limitrophe. De là, ils ont pu prendre un avion en direction de Montréal. Après leur visite au Québec, ils peuvent faire le voyage de retour vers l’Ukraine. Cet aller-retour est possible parce qu’ils ne sont plus en âge de combattre. Malgré la guerre, leurs attaches en Ukraine sont encore très fortes et ils ont besoin de s’y retrouver. Pas question de quitter leur Ukraine natale. Mais la situation peut encore changer, si l’armée russe occupe leur ville, ils n’acceptent pas l’idée de vivre sous son occupation.

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Suggestion littéraire

De 17 à 19 ans, Gabriel écrit une série de textes lors des moments difficiles pour parler du vécu sur sa différence. Il souffre d’autisme (Syndrome d’Asperger), du TDAH-I (Trouble du Développement de l’Attention et de l’Hyperactivité avec Impulsivité), du TPL (Trouble de la Personnalité Limite) et se dit Gender Fluid. Né fille, il a subi deux opérations pour devenir un homme. Il travaille en comptabilité dont il excelle selon ses supérieurs. S’il se sent fille les matins, il s’habille en fille ou en homme comme il aime se sentir, le tout est accepté par son entourage. Soignée, son écriture arbore la sagesse dans un parcours aussi mental que fantasque. Il avance et livre son message sans douter de ses pas.

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