Vendredi. Le soleil plombe sur Montréal. Dans ma voiture, je file vers l’ouest où m’attendent une centaine de personnes. Ce soir, je donne ma énième conférence devant public, mais cette fois-ci ce sont des jeunes qui forment l’auditoire. La nervosité prend d’assaut mes pensées. La comédienne en moi ne joue aucun rôle lors de ces rencontres. Je n’ai ni masque ni parure. Je suis vulnérable, le cœur ouvert et l’authenticité au bout des lèvres.

Un texte de Ingrid Falaise publié sur Reflet de Société – Dossier Éducation    

Mon courage sur la main, j’ouvrirai, encore une fois, une parcelle de mon intimité afin de sensibiliser, dénoncer et mettre en lumière le fléau qu’est la violence amoureuse. Des yeux seront braqués sur moi. Des gens se seront déplacés pour venir écouter mes paroles. En toute humilité, j’aiderai peut-être une petite Ingrid, ce soir, à se sortir de son calvaire.

Mercigratituderésilience sont mes mots d’ordre répétés comme un mantra.

Mais cette soirée est différente. La violence amoureuse, de nos jours, débute à quatorze ans, malheureusement.  Vraiment? Oui, vraiment.  Et le cycle est exactement le même. Séduction, manipulation, isolement. Crise et… lune de miel.

En coulisse, j’entends l’animatrice évoquer ma biographie et hop! elle me présente. Je m’avance sur scène, un micro à la main et une salle comble de testostérone et d’adolescentes criant mon nom un peu trop fort. Non, l’énergie n’est pas la même que lors de mes conférences devant un public majeur et vacciné, mais le sujet demeure et ma mission aussi. Les minutes passent et je parle, les mots défilant les uns à la suite de l’autre.

Les jeunes me sidèrent par leur écoute et leur concentration. Une larme coule le long de la joue d’une belle brunette assise à la troisième rangée lorsque j’évoque un évènement qui lui remémore probablement son vécu. Mes paroles sont universelles et intemporelles, malheureusement.

Bémol. Il y a tout de même un bémol qui me fait sourciller. Sur le chemin du retour, seule avec moi-même, j’analyse la soirée. Tout était parfait. L’auditoire, les projections, l’accueil et la rencontre avec les étudiants. Les confidences, les questions, les larmes et les applaudissements. Quel est ce bémol qui me titille?

Le respect.

Certains mots n’ont pas eu le même impact que sur un public plus âgé. Aucune réaction, aucun sourcillement ni indignation. Lorsque j’évoque des passages d’un vécu déjà lointain, je ne me censure guère. Me restreindre atténuerait mes propos et ils ne frapperaient plus aussi fort.  Je me dois de rester solidaire avec jadis et avec cette violence verbale qui m’a détruite autant que les coups. Mais ce soir, l’impact de certains mots ingrats, crus et destructeurs n’est pas le même.  Putesalopechienneboulet… n’ont pas résonné de la même façon dans le creux de l’oreille de ces jeunes du secondaire et… ça me dérange.  Ça me dérange et ça me perturbe.

Ils n’ont presque pas bronché alors que je réitérais les mots que m’adressait mon lointain agresseur.

Je file vers l’est à bord de mon humble bolide et je suis toujours sidérée. Oui, le message est passé, la conférence fut reçue avec amour et compassion.  Je crois bien avoir accompli ma mission de sensibilisation et d’éducation auprès des jeunes en ce qui concerne la violence amoureuse.  Mais…  la violence verbale est déjà commune dans leur si jeune vie.

Alors, je mettrai l’emphase sur un mot lors de mes prochaines conférences. Le respect. Qu’en est-il du respect ? Le respect de soi et d’autrui. Les mots violents, égratignent l’amour propre et résonnent durement dans les pores de notre peau. À nos jeunes, nous devons tout d’abord enseigner le respect.  Car l’amour sans respect n’a pas la même couleur.

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