« Il ne faut pas sous-estimer le communautaire et la capacité à soutenir l’individu, à faire sauter les murs invisibles de nos réserves », affirme Melissa Mollen Dupuis, artiste innue et ambassadeur de conscience d’Amnesty international. C’est sur ces paroles prononcées par l’activiste engagée qu’a été inauguré le débat public organisé en mai dernier par le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) en prévision des prochaines élections provinciales.

Un texte de Alexandra Bachot publié sur Reflet de Société | Dossier Communautaire

Au cours de cet évènement, le Monument-National a accueilli les représentants et représentantes des principaux partis, en lice pour le scrutin d’octobre : Amir Khadir de Québec Solidaire (QS), Chantal Soucy de la Coalition Avenir Québec (CAQ) et Carole Poirier du Parti Québécois (PQ). Seul absent de la soirée, le Parti Libéral a suscité la déception et l’indignation des autres groupes présents et de l’assistance.

Réunis autour du thème « Quelle vision politique pour le communautaire et le tissu social ? », les députés ont débattu de l’avenir des groupes communautaires autonomes si leur parti est élu en livrant leurs visions et engagements politiques concernant trois enjeux dont la participation citoyenne, les services publics et les programmes sociaux ainsi que l’action communautaire. Bien que le débat était propice aux échanges sérieux, la discussion a également été ponctuée par plusieurs prises de paroles et performances artistiques, notamment celles de l’auteure et dramaturge Marilou Craft et l’humoriste Fred Dubé.

Intégrer la diversité

La participation citoyenne, premier thème abordé, a vivement fait réagir les députés qui ont dénoncé la discrimination systémique, présente dans toutes les strates de la société, tout en proposant des mesures concrètes pour représenter la diversité sociale au sein de l’Assemblée Nationale. Pour le camp caquiste, Chantal Soucy estime que « l’Assemblée doit être à l’image de tous les québécois, il faut que les élus qui votent les lois et parlent au nom des citoyens soient représentatifs de la grande diversité du Québec et que les revendications de tous soient portées ». Si la CAQ est élu en octobre prochain, « le gouvernement sera celui de tous les québécois, avec une représentation de la diversité culturelle et de la parité au sein de notre caucus », insiste Chantal Soucy. Côté Québec Solidaire, Amir Khadir propose la mise en place d’une commission indépendante sur la discrimination systémique « pour faire bouger les choses ».

Le débat s’est ensuite centré sur les populations marginalisées de certains quartiers ou communautés, généralement exclues des consultations en ligne du gouvernement par manque d’accès à Internet.

Pour pallier ce défaut de représentativité, le parti québécois suggère « d’ouvrir le débat, de régionaliser, d’aller au-delà des grandes villes afin d’intégrer la société civile dans la prise de décision. Plus on ira sur le terrain, plus on aura un aperçu de l’ensemble des citoyens, notamment avec le déploiement de commissions en régions ». La CAQ a quant à elle souligné le rôle majeur des OSBL, chargés de porter la voix des populations marginalisées à l’Assemblée. Les trois partis s’entendent sur ce point, QS préconisant « de s’entretenir avec les principaux acteurs qui connaissent le domaine afin de démocratiser les consultations ».

Des programmes sociaux universels et accessibles

Bien que sur la participation citoyenne, les différents partis politiques s’accordent sur l’importance de l’inclusion sociale, au sujet des programmes sociaux et des services publics, les visions divergent. Pour réduire les écarts sociaux, la CAQ priorise l’éducation, en imposant la maternelle à partir de 4 ans, alors que le PQ mise sur l’accès à la santé et la réduction des disparités entre l’est et l’ouest de Montréal. « Dans Hochelaga, 45% des gens n’ont pas de médecins de famille. Rétablir l’équité c’est se donner les moyens d’avoir accès aux services publics », déclare Carole Poirier. QS remet enfin en cause les politiques publiques des gouvernements précédents qui ont aggravé les écarts, en proposant une réforme en profondeur de la fiscalité.

Quelles mesures concrètes ont été mises en avant pour réduire les inégalités et développer des services publics et des programmes sociaux accessibles à tous ?

La CAQ promet une aide au logement, de meilleures conditions pour ceux qui ne peuvent pas retourner sur le marché du travail et une augmentation des prestations tandis que le PQ souhaite rétablir un seuil de professionnels pour venir appuyer les professeurs, une meilleure composition de la classe, et un réinvestissement dans toute la construction des écoles. QS se veut force de proposition sur le sujet, autant dans le domaine médical, scolaire que fiscal. Au programme : l’augmentation de la couverture de l’assurance maladie pour inclure la psychothérapie, l’assurance dentaire et médicaments universelle, la gratuité totale de la scolarité de la maternelle à l’université, un revenu minimum garanti et une meilleure fiscalité de l’impôt « pour mettre fin au privilège des super riches ».

#JeSuisCommunautaire

Du côté de l’action communautaire, les partis sont favorables à l’autonomie des organismes. QS a évoqué la possibilité d’un financement qui assurera la pleine autonomie du communautaire, sans que l’État soit juge et parti, grâce à un budget qui serait un pourcentage fixe du PIB ou de l’impôt. Le PQ et la CAQ soutiennent l’idée que l’indexation des groupes devrait être basée sur les coûts de système plutôt que sur la mesure du panier de consommation. « Il faut que les organismes communautaires deviennent propriétaires pour faire en sorte de contrôler les coûts de leur hébergement », soutient Carole Poirier. Quant à la CAQ, Chantal Soucy souhaite mettre en œuvre un nouveau plan d’action gouvernementale en matière d’action communautaire et réduire la bureaucratie des organismes afin qu’ils se concentrent sur leur mission.

Le débat a enfin laissé place au dévoilement des affiches de la nouvelle campagne #JeSuisCommunautaire en présence d’une trentaine de personnalités connues et engagées pour la justice et le filet social.

Parmi eux, des artistes, des chercheurs, et journalistes dont Vincent Graton, Natasha Kanapé Fontaine, Dalila Awada, Christian Nadeau ou Dramatik qui ont tenu à exprimer leur soutien au mouvement Engagez-vous pour le Communautaire en rendant hommage aux victoires collectives obtenues grâce à ses luttes. Sur les affiches, on  a pu noter le soutien apporté aux acteurs sociaux et au communautaire avec des revendications telles que «  le communautaire nous rappelle l’unité de notre humanité » ou « la solidarité communautaire est au cœur de l’évolution et de l’acceptation de nos différences ».

En complément à Reflet de Société +

Au Québec, on parle de plus en plus de défiance des citoyens envers les instances publiques. Quelles soient municipales ou provinciales. À Medellin, en Colombie, le ville vivait un cas extrême de défiance. Les élus étaient considérés comme légaux, mais non légitimes. Comment ont-ils rebâtis la confiance entre citoyens et État ? Réponse dans cette capsule de Villes Ouvertes.

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