« Mon histoire est simple et complexe à la fois. C’était le jour de mes 18 ans. Je suis sortie avec trois de mes amies dans un bar pour fêter ça. L’une d’elles était chauffeuse désignée. Nous sommes donc parties en voiture. Sur le chemin du retour, une conductrice en état d’ébriété a heurté notre véhicule du côté passager, où j’étais installée. Mon corps a amorti tout le choc de l’accident, mais c’est ma tête qui a subi la majeure partie des dommages. Ce jour-là, je suis morte ».

Un texte de Mélina Soucy publié sur Reflet de Société – Dossier Santé

Éliane n’a plus aucun souvenir de sa vie d’avant l’accident. Même l’accident est un événement qu’elle relate grâce aux informations que lui ont données ses proches. Elle est maintenant âgée de 28 ans. Son traumatisme crânien était tellement sévère que la moitié droite de son cerveau est décédée le jour de l’accident. Elle a perdu l’usage de la parole et de son corps. Depuis ce qu’elle qualifie de « renaissance », Éliane a repris le contrôle sur la majeure partie de ses capacités physiques et cognitives grâce à un travail intensif de réadaptation.

Elle souffre cependant toujours de plusieurs types d’agnosie visuelle, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas reconnaître certains objets en les regardant. « Je ne reconnais pas les visages. On se croiserait dans la rue et je ne te reconnaitrais pas visuellement. Je ne vois pas les images. Ça crée des situations cocasses parfois. Je suis incapable de différencier une pomme d’une tomate. Imaginez les drôles de recettes que ça peut donner! » rigole-t-elle.

Reprendre confiance en soi

Éliane est l’incarnation même de la persévérance et du positivisme. Même avec sa motricité réduite, elle fait du vélo, s’entraîne en réadaptation physique, fait du théâtre et de l’impro. Sa bicyclette est bien évidemment adaptée à sa motricité réduite, c’est-à-dire qu’elle possède des petites roues à l’arrière. « Si j’ai survécu après mon coma, c’est parce que j’ai une tête de cochon! », plaisante-t-elle.

C’est entre autres par l’humour qu’Éliane a réussi à reprendre confiance en elle. L’Association québécoise des traumatisés crâniens de Montréal-Laval (AQTC) organise une foule d’activités pour ses membres afin de faciliter leur intégration sociale. Parmi ces activités, il y a l’impro. « Avant mon accident, je faisais déjà de l’improvisation. Les cours que je suis ponctuellement avec l’Association ont eu beaucoup de répercussions positives. L’impro ça demande de réagir vite à des situations inventées de toutes pièces. Il faut avoir un bon sens de la répartie. Ça entraîne mon cerveau à réagir vite. Et surtout, ça permet de vivre dans le moment présent. Je ne pense pas à mon état physique quand je joue, ni à mon passé. C’est important de vivre au jour le jour pour être heureux », croit la jeune femme.

En plus d’entraîner sa logique et son humour, les cours de l’AQTC lui ont offert une vie sociale au-delà des membres de sa famille. « Avant l’accident, j’habitais aux résidences du cégep de Sherbrooke. Une fois blessée je suis retournée à Val-David. L’association des traumatisés crâniens de cette région n’était pas stimulante. Ma famille était là pour moi, mais les gens que je côtoyais qui avaient le même handicap que moi étaient âgés. Pour une jeune fille de 18 ans qui veut reprendre goût en la vie, ce n’était pas l’idéal. Arrivée à Montréal, avec l’impro et des gens plus jeunes, j’ai eu beaucoup plus de motivation. En plus, c’est Sophie Caron, une pro, qui nous enseigne l’impro. On a même eu par le passé l’occasion de jouer avec la LNI au Club Soda. Salomé Corbo et moi avions vraiment une belle chimie sur scène! », raconte avec fierté la jeune femme.

À l’automne 2016 et 2017, l’AQTC et la LNI ont organisé une soirée-bénéfice. Deux équipes composées de membres de l’AQTC jouaient et chaque équipe était complétée par un joueur de la LNI. En 2016, ce fut Salomé Corbo et Ève Landry et l’année suivante, François-Étienne Paré a remplacé Ève Landry.

Sophie Caron pense qu’Éliane a acquis avec ces années d’impro à l’AQTC un grand sens de l’abandon et du lâcher-prise. « Au début, elle était sérieuse et elle avait peur de se tromper. Elle s’amuse beaucoup dans les ateliers, elle se permet de faire des erreurs et d’en rire. Elle plonge dans chaque impro avec confiance et elle a une influence positive sur les autres membres. Je la taquine beaucoup et elle prend de plus en plus de plaisir à répondre et me taquiner à son tour », raconte l’artiste.

Pour la vétérante, Éliane a la force d’un superhéros dans un petit corps en reconstruction. « J’admire cette femme », confie-t-elle.

Éliane vit aujourd’hui de façon quasi autonome dans un appartement situé au-dessus de celui de son oncle. Son père, paysagiste, lui a aménagé un espace de vie chaleureux, avec une cour extérieure qui rendrait jaloux n’importe quel amateur d’étang japonais. Elle y soupe avec la famille de son oncle plusieurs fois par semaine. « Ça m’évite de manger des pâtés aux patates, matin, midi et soir! », plaisante-t-elle.

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