Léo-Frédérik est une personne non binaire et trans masculine. En pleine transition, il nous parle de la dysphorie de genre, de la grossophobie, de la représentation dans les médias et des multiples défis d’une personne trans dans une société dite binaire qui stigmatise systématiquement les gens qui sont « entre les deux ». 

Un texte de Aurélie Thibault publié sur Reflet de Société – Dossier Sexualité 

La pression de « performer » son genre

Ma transition sociale est déjà faite, mais ma transition physique stagnait. Maintenant que je me suis fait couper les cheveux, je réalise que c’est réel et ça me fait vivre toutes sortes d’émotions. J’ai une image de ce à quoi je veux ressembler dans ma tête. Malgré tout, je pense que j’ai moins d’options par rapport à mon expression de genre qu’une personne cis. Même si je dis que mes pronoms sont « il » et « lui », certains m’appellent « elle » parce que j’ai encore l’air d’une femme. Certains me disent bonjour à l’épicerie juste pour entendre ma voix et pour pouvoir me catégoriser. On dirait que je dois performer les stéréotypes de genre pour « passer », si je veux être genré correctement. Tout le monde me dit que je n’ai pas à faire ça. Pourtant, quand tu le vis, c’est bien différent. Quand tu te fais mégenrer à longueur de journée, ça cause de la dysphorie. Pendant la journée, je suis stressé. J’arrive chez moi le soir et je n’ai plus d’énergie. D’une part, je change pour moi, d’autre part, je change parce que la pression des autres m’affecte. Même si je ressens du soutien de la part de mes amies, j’ai encore l’impression que les gens me considèrent plus comme une personne trans que comme un garçon.

L’importance des toilettes non genrées

En transition, le simple fait d’aller dans les toilettes publiques est un problème. Avant, je « passais » comme femme, que j’emprunte les toilettes des filles était donc bien perçu. Tout de même, j’aimais mieux être accompagné. Maintenant, étant donné que j’ai les cheveux courts et des seins, je vois la confusion dans le regard des gens. Ça me stresse, je ne sais pas quelle toilette emprunter. Dans les toilettes masculines, je ne suis pas à l’aise parce que je ressens la pression de performer mon genre. Dans les toilettes des femmes, je ne suis pas à l’aise non plus, vu que je ne m’identifie pas à ce genre-là. J’ai l’impression que tout le monde me regarde pour savoir dans quelle catégorie je vais me lancer. Les toilettes non genrées, je trouve ça beaucoup plus rassurant. Je peux aller n’importe où sans me poser de question et sans craindre le regard des autres.

La grossophie comme double défi

Être une grosse personne trans, si on peut le dire comme ça, rajoute un défi. J’ai des seins, j’ai des hanches. J’ai beaucoup de formes qui sont associées à la « féminité », ce qui me rend dysphorique (sic). La transition est plus longue parce que je veux perdre du poids pour correspondre à mon identité. Ce n’est pas important pour toutes les personnes trans masculines, mais ça l’est pour moi. Quand j’étais petit, ma mère essayait de me faire perdre du poids avec tout plein de régimes, elle m’inscrivait au gym me disant : « les garçons préfèrent les filles minces. » Moi, je ne voyais pas ce qui était mauvais dans le fait d’être gros, mais je ne me sentais pas bien dans mon corps. J’ai eu de la difficulté à faire la différence. J’ai réalisé ensuite que c’était parce que je ne m’identifiais pas comme étant une femme.

Les relations affectives

C’est difficile de faire des rencontres en transition. Je vais rester la même personne, mais je vais beaucoup changer physiquement dans la prochaine année. Je m’interroge : si je commence maintenant à voir quelqu’un, la personne me trouvera-t-elle encore de son goût l’an prochain? Aussi, comme je deviens de plus en plus masculin, si une fille qui se considère lesbienne poursuit une relation avec moi en toute connaissance de cause, c’est comme si elle invalidait mon genre. On dirait qu’en ce moment, je suis dans une zone grise qui me fait me sentir moins attirant, comme si je ne correspondais nulle part. Je pense que je vais être beaucoup plus à l’aise dans ma vie sexuelle et romantique, une fois ma transition complétée. En même temps, tout le monde a besoin d’affection et je ne m’arrêterai pas pour ça. C’est comme une deuxième barrière, parce que le fait d’être gros m’en posait déjà une, vu la société grossophobe dans laquelle on vit.

La représentation des personnes trans dans les médias

Il y a évidemment quelque chose de générationnel dans l’acceptation de la transsexualité, mais aussi quelque chose de social. Ma famille vient de la banlieue, et on voit que les gens de Montréal baignent vraiment plus dans cette réalité. La représentation dans les médias y est pour beaucoup aussi. C’est drôle à dire, mais grâce à Kate d’Occupation Double, mon frère a mieux compris ma situation. Kate a parlé de sa transition ouvertement, elle a défait des stéréotypes et des préjugés. Elle a aidé à conscientiser les gens. Les médias ont un gros rôle à jouer. On a besoin des histoires où le scénario tourne autour de la transition d’une personne, mais on a aussi besoin d’une histoire où le personnage vit sa vie et dont le fait que ce personnage soit trans ne constitue pas l’élément principal. Plus on a de la représentation diversifiée, plus la transsexualité va être acceptée et comprise.

Ressources

Groupes Facebook : Personnes non binaires des territoires du Québec et Euphorie transgenre de Montréal

La journée pour la visibilité trans – 31 mars

Émissions de télévision: Are you the one? – Saison 8, Sense 8, Steven Universe 

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