L’Original est une galerie d’art unique en son genre. Situé sur la rue Saint-Paul, à Montréal, cet organisme à but non lucratif (OBNL) est géré par un jeune Français de 22 ans arrivé au Québec il y a quatre ans. Son but? Promouvoir des artistes urbains et engagés tout en utilisant des matériaux recyclés.

Un texte de Alexandra Grenier publié sur Reflet de Société | Dossier Culture et Ville de Montréal

Dorian Verdier est originaire d’un petit village où l’art était peu présent. À son arrivée à Montréal, il a été subjugué de voir à quel point l’art urbain y avait une place importante. « J’étais émerveillé, mais aussi très curieux. Je voulais savoir qui étaient les personnes derrière ces oeuvres. »

Il les a donc contactées sur les réseaux sociaux pour leur poser directement la question. Il a ainsi découvert que plusieurs murales étaient réalisées illégalement. « C’est plutôt honorable de donner ainsi son art et son temps à la communauté. J’en étais très reconnaissant », raconte le jeune homme.

C’est son désir de redonner aux artistes urbains qui a motivé Dorian à créer l’Original. « Montréal abrite la plus grande concentration d’artistes au Canada. Mais contrairement à la Colombie-Britannique ou aux États-Unis, il n’y a pas un grand marché d’acheteurs locaux », explique-t-il. En s’installant à Montréal, il s’est dit qu’il pourrait aider les artistes dans leur propre ville. 

Il a cependant vite déchanté en se rendant compte que la majorité des œuvres de ces artistes était destinée à l’exportation. « Au début, j’étais très outré de cette réalité. Mais si leur place est à l’international, moi, qui viens d’un autre pays, je peux les aider à faire des ponts et à vendre leurs œuvres un peu partout dans le monde. »

La naissance du projet

C’est pendant un cours de finance que Dorian a eu l’idée de l’Original. Un de ses camarades de classe lui propose d’utiliser des œuvres d’artistes décédés depuis plus de cinquante ans, et donc libres de droits, pour les imprimer et les vendre. Dorian voit alors le potentiel de l’idée, mais il en a une meilleure. « Plutôt que de créer du neuf avec des artistes morts, on pourrait faire, avec des artistes vivants qui ont du mal à gagner leur vie, des œuvres recyclées », explique-t-il.

L’aspect écologique est d’ailleurs fondamental pour Dorian. Selon un rapport de la Commission de l’écofiscalité du Canada publié en 2018, chaque Canadien génère en moyenne 400 kg de déchets par année. Ce genre de statistique touche particulièrement le jeune homme, qui souhaite participer, à sa manière, à la réduction de cette quantité.

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Dorian Verdier. Crédit photo : Audrey-Anne Néron

Il a aussi un amour pour les vieux objets qui, à son avis, sont souvent de meilleure qualité que ceux créés aujourd’hui. Détruire ces items et payer pour en produire d’autres de moindre qualité et plus polluants est un non-sens, selon lui. « On pourrait leur donner une nouvelle vie grâce à l’art, en engageant des artistes professionnels qui, en général, ne sont pas très bien payés. »

Dorian commence ainsi à créer des événements où il invite des artistes à venir peindre sur des vêtements usagés. « J’écrivais à tous les gens qui utilisaient le hashtag #mtlart sur Instagram et on se retrouvait dans les bars et les friperies », relate le galeriste.

Mais que faire de tous les vêtements accumulés? Il a d’abord tenté de les vendre par le biais d’Instagram, sans grand succès. Il a donc organisé une boutique éphémère qui a bien fonctionné, puis il a loué un local avec une coopérative d’artistes.

Il s’est toutefois vite rendu compte qu’une structure d’OBNL représentait une meilleure alternative pour son projet. C’est ce qui correspondait le plus à ses valeurs et à la mission qu’il s’était donnée, soit de recycler des objets tout en aidant des artistes.

La galerie était alors située sur l’avenue Mont-Royal, un emplacement peu astucieux, selon Dorian. Il s’agit en effet d’un quartier où il y a très peu de galeries d’art. Ce n’est donc pas là où les acheteurs vont se diriger d’emblée. « On survivait vraiment grâce aux vêtements de friperie, mais ça s’éloignait de nos valeurs, ajoute-t-il. Oui, il y avait le côté revalorisation d’objets, mais il n’y avait plus le côté social, l’aide aux artistes, etc. »

L’Original a donc déménagé à son emplacement actuel, et s’est orienté vers un modèle plus classique de galerie, avec beaucoup de toiles à vendre, mais aussi une marge de profits inférieure à celle des galeries conventionnelles.

Bien que plusieurs bénévoles l’aident à tenir la galerie, Dorian y passe énormément de temps. Ça ne l’empêche toutefois pas de poursuivre sans encombre ses études au HEC. « Le trafic [d’acheteurs] sur Saint-Paul en est un de qualité plus que de quantité. Je peux donc faire mes révisions et mes devoirs tout en étant à la galerie. Ça peut faire peur quand tu es étudiant, mais je pense que c’est le meilleur moment pour lancer un projet », déclare-t-il, plein d’entrain.

Gagner sa place

Grâce à l’appui rapide d’artistes reconnus comme Philippe Mastrocola et Monk.E, l’Original a pu se tailler une place sur la scène de l’art urbain montréalais. Une bonne chose pour Dorian puisqu’en général, ça prend un peu plus de temps pour travailler avec les gros noms. « Il faut se faire une réputation et montrer à quel point tu es en capacité de les aider avant de pouvoir travailler avec eux. Nous, on essaie de garder un équilibre entre des artistes engagés qui n’ont pas peur de se lancer dans de nouveaux projets et des artistes confirmés qui donnent aussi une certaine crédibilité à l’ensemble du collectif », explique Dorian.

D’ailleurs, le galeriste ne travaille pas avec n’importe qui. Selon lui, beaucoup d’artistes utilisent le style street art sans toutefois faire partie de cette culture. « Nous, on essaie d’être authentiques et de choisir des street artistes qui pratiquent leur art dans la rue et qui ont en quelque sorte prêté allégeance à ce style », affirme le jeune homme.

Aujourd’hui, Dorian est fier de ce qu’il a accompli et il a encore beaucoup d’idées pour la suite. « On espère un jour ouvrir des ateliers et avoir un impact plus gros en récupération de meubles et en revalorisation artistique de vêtements », explique-t-il. D’ailleurs, il n’a pas envie que l’Original repose entièrement sur ses épaules. « Je vois cet organisme perdurer plus longtemps que moi et j’aimerais qu’il soit plus définitif que moi. J’aimerais que même si un jour je meurs, lui puisse continuer à vivre », conclut-il.


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