Le constat est simple: en 1 siècle la terre a perdu 75% de la diversité génétique agricole. De gros mots pour qualifier une situation inquiétante. En quelques siècles, notre agriculture est passée d’une production vivrière (autoconsommation) à une de grande échelle. Et la sélection à outrance des «bons» gènes a une conséquence: l’extinction massive de variétés agricoles.

Un texte de Delphine Caubet publié sur Reflet de Société | Dossier Environnement 

Super-semences

Avec des productions de plusieurs milliers d’hectares spécialisées dans quelques denrées, le Canada et les producteurs veulent du rendement. Et pour cela, l’étape de la création des semences est essentielle.

Des laboratoires spécialisés (bien souvent de l’étranger) créent de super-denrées agricoles en sélectionnant les meilleurs gènes. Par exemple, pour créer une super-tomate, le laboratoire sélectionnera les gènes de celle qui a la meilleure productivité, la meilleure résistance aux maladies, la plus belle apparence, etc.

L’objectif de ce croisement est que la semence s’adapte au maximum de terrains et dans toutes les conditions. Que les producteurs soient au Mexique ou en Europe, ils auront les mêmes semences.

Danger de l’hécatombe

L’agriculture canadienne étant basée sur certaines productions (maïs, soja, canola, blé, avoine, pomme de terre…), il est essentiel que ces productions soient efficaces et saines. Toute une économie en dépend. Et les producteurs ne peuvent pas choisir n’importe quelles semences. Elles sont répertoriées et encadrées par la loi pour éviter une hécatombe.

La création d’hybrides en laboratoire n’est pas le problème en soi. Mais en conséquence, nous ne produisons que quelques espèces, en très grande quantité.

Pour Lyne Bellemare, coordonnatrice du volet francophone à Semences du patrimoine, ce n’est pas juste une question de patrimoine agricole, c’est la survie elle-même qui est en jeu. Elle explique: «La diversité génétique est en train de disparaitre, alors qu’elle est essentielle. Si une seule espèce est cultivée et qu’elle est touchée par une maladie, on peut tout perdre. Avoir une diversité c’est assurer la survie. Ceux qui résisteront aux maladies auront des descendants plus forts et immunisés contre cette maladie.»

Concrètement, si aujourd’hui nos super-semences ne sont que peu ou pas affectées par les maladies, cela ne garantit pas de demeurer le cas à l’avenir. Et en procédant à une sélection outrancière des gènes,  on encourt l’extinction pour d’autres, potentiellement utiles à l’avenir. Le constat est sévère : en 100 ans 75% de la biodiversité agricole s’est éteinte. Et 90% du bassin de gènes restants n’est pas cultivé, comme l’explique Semences du patrimoine.

Back-up de dernier recours

Face à ce résultat, plusieurs pays ont mis sur place des banques de Matériel génétique pour sauver ce qui peut encore l’être. Il en existe 3 au Canada qui congèlent les semences rares ou maintenant éteintes. Celle de Saskatoon, spécialisée dans les crucifères (choux, brocolis…) et fougères, est celle qui contient le plus d’échantillons avec ses 113 000 semences.

Lyne Bellemare explique: «Si un cataclysme se produit, nous pouvons aller chercher des back-up. Mais si nous les ressortons 100 ans après la conservation, ces plantes ne seront plus adaptées à la réalité du terrain.»  Concrètement, congeler c’est bien, mais cultiver serait mieux.

D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, «seules 12 espèces végétales et 14 espèces animales assurent désormais l’essentiel de l’alimentation de la planète, alors que dans le passé 10 000 espèces étaient cultivées pour y parvenir.»

L’extinction de variétés agricoles fait partie d’un processus normal. En revanche, une perte de 75% d’entre elles en 100 ans est considérée comme inquiétante par les experts.-

Extinction massive

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