Raymond Viger | Dossier Journal de Montreal et Suicide

Une nouvelle qui a plus d’une semaine déjà. Volontairement, je n’ai pas commenté à chaud cette nouvelle. Tous les médias en parlaient déjà. Je préfère être en avance ou en retard. De toute façon, le suicide et le jeu compulsif fait partie de mon répertoire depuis près d’une quinzaine d’années. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais arrêter d’en parler. Je n’ai pas besoin non plus d’attendre un événement malheureux pour souligner la détresse d’un joueur.

Loto-Québec a eu 2 réactions vis-à-vis ce suicide. Une conférence de presse était prévu pour l’annonce de la construction d’un casino au Mont-Tremblant. Première réaction: la conférence est annulé. Le « timing » n’était pas favorable pour annoncer une augmentation de l’offre de jeu.

Gabrielle Duchaine, journaliste au Journal de Montréal demande à Loto-Québec dans un article du 4 avril, la réaction de la Société d’État sur le suicide du joueur. Deuxième réaction qui nous vient de Jean-Pierre Roy, le valeureux porte-parole de Loto-Québec: « On essaie de comprendre s’il a perdu gros avant de partir ».

Ce commentaire est une façon de gagner du temps et de ne pas répondre à la question. Du côté de Loto-Québec, on espère peut-être que le sujet sera moins chaud et qu’on ait pas à répondre à la question. En ce qui me concerne, en tant qu’intervenant de crise auprès de personnes suicidaires, cette réponse démontre que M. Jean-Pierre Roy et Loto-Québec ne comprennent pas grand-chose au suicide et à ses motivations.

Que laisse sous-entendre une telle réponse? Le joueur qui se suicide, s’il a perdu 100$, ce n’est pas à cause du jeu et s’il a perdu 1 000$ c’est peut-être à cause du jeu? Mais qu’elle est la valeur de l’argent pour un individu donné à une période précise de sa vie?

Si le joueur est allé au Casino de Montréal avec le dernier 100$ qu’il a réussi à voler. Si après ce dernier 100$ il sait qu’il n’a plus d’argent pour payer son loyer et que tout le monde va se rendre compte qu’il est un gambler. Ce dernier 100$ peut représenter beaucoup pour lui.

Souvenons-nous de Did Tafari Bélizaire qui avait sauté du pont Jacques-Cartier après avoir tout perdu au Casino de Montréal. Il n’avait perdu que 500$. Mais ce 500$ était le dernier des derniers. Ce 500$, il l’avait volé dans la petite caisse de son employeur. S’il ne ramenait pas 500$, c’était la fin de tout. Pour lui, 500$, c’était la fin du monde. La fin de son monde.

Dans un état de crise suicidaire, ce n’est pas le dernier événement qui est important. Ce déclencheur n’est que le résultat d’un mode de vie qui a duré un certain temps. Ce sont les années de jeu qui en sont la cause. Pas seulement le dernier soir de gambling.

Ce qui me fait rire (plutôt pleurer) le plus dans la réaction de Loto-Québec et de son représentant Jean-Pierre Roy c’est que si le joueur compulsif se suicide contre un pilier de ciment à 100 kilomètres d’un casino, ils s’en lavent les mains, ce n’est pas à cause du jeu. Si le joueur se suicide en sortant du Casino, il faut examiner combien il a perdu pour s’assurer que c’est vraiment à cause du jeu. Toutes les théories sont bonnes pour se disculper.

Finalement, ce texte n’est peut-être pas écrit 15 jours après les incidents. Il est peut-être écrit à l’avance. Si Jean-Pierre Roy fait une sortie éventuelle pour dire que ce n’est pas à cause du jeu que le gambler de 70 ans s’est suicidé parce qu’il n’a perdu que 100$, et bien, ma réaction aura déjà été publié.

J’espère que le journaliste qui entendra ce commentaire éventuel de Jean-Pierre Roy aura lu mon billet et qu’il n’acceptera pas cette vulgaire réponse.

Références

  • Histoire d’Anne Panasuk de Radio-Canada contre Loto-Québec.
  • Dénonciation d’Éléonore Mainguy, ex-croupière au Casino de Charlevoix, contre les agissements de Loto-Québec.

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Ressources sur le suicide

  • Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Les CLSC peuvent aussi vous aider.
  • Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566 Ligne d’aide 24/7: 988
  • France Infosuicide 01 45 39 40 00 SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
  • BelgiqueCentre de prévention du suicide 0800 32 123.
  • Suisse: Stop Suicide
  • Portugal: (+351) 225 50 60 70

Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires

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Par la poste: Reflet de Société, 3894, Ste-Catherine Est, Bureau 12, Montréal, Qc, H1W 2G4

Maintenant disponible en anglais: Quebec Suicide Prevention Handbook.

Survivre, un organisme d’intervention et de veuille en prévention du suicide et en promotion de la Santé mentale. Pour faire un don. Reçu de charité pour vos impôts. Merci de votre soutien.

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