Graffiti et murs autorisés
La Ville de Montréal met sur pied un programme anti-graffiti en 1996. L’objectif de supprimer totalement les graffitis est perçu comme quoi il fallait mettre en prison et éliminer les jeunes qui font du tag et du graffiti. Cet objectif est modifié l’année suivante pour une approche plus globale de la problématique en misant sur la prévention.
Raymond Viger | Dossiers Graffiti, Hip Hop
En réaction à la ligue anti-graffiti, le Journal de la Rue crée le projet Café-Graffiti. Sa mission: canaliser positivement l’art et la passion des jeunes graffiteurs. Leur permettre de s’exprimer dans des lieux autorisés, monter des portfolios, créer des événements liés à leur culture, permettre aux jeunes de s’exprimer positivement, pour eux et pour la société. Sans aucun financement, et d’une façon autonome, indépendante et démocratique, le Café-Graffiti voit le jour en 1997.
La vision artistique du graffiti
En juin 1997, les jeunes du Café-Graffiti rencontrent des responsables de la Ville de Montréal pour présenter leur vision artistique du graffiti. Grâce à la concordance des projets du Café-Graffiti avec la nouvelle orientation de la Ville, une série de projets dynamiques et attrayants voit le jour: murs autorisés pour les graffiteurs, murales, ateliers, financement de projets communautaires réunissant les jeunes et les citoyens des quartiers pour qu’ils se connaissent et s’apprécient davantage… Montréal devient rapidement un chef de file par son approche originale et inclusive auprès des jeunes graffiteurs.
Gérald Tremblay, Ville de Montréal et le graffiti
En 2002, la nouvelle administration du maire Gérald Tremblay ne renouvelle pas le budget pour les interventions préventives, se bornant à miser sur un programme d’enlèvement des graffitis. Le Café-Graffiti continue seul à intervenir auprès des jeunes graffiteurs.
Que reste-t-il de tout cela en 2005? La Ville de Gatineau est devenue le leader national en matière d’intervention graffiti avec ses 22 murs autorisés, huit murs mobiles pour des événements et une équipe d’intervenants prêts à accompagner les jeunes et à les aider à s’organiser.
La Ville de Québec finance deux projets. Le premier, avec la maison Dauphine, intervient auprès des graffiteurs pour les aider à canaliser leur art et leur talent. Le deuxième, avec le Carrefour jeunesse-emploi de la Capitale Nationale, un projet de développement des compétences auprès des jeunes par la sensibilisation des citoyens sur le nettoyage des surfaces graffitées et la recherche d’autres solutions.
Félicitations au maire Yves Ducharme de Gatineau pour son initiative et son ouverture d’esprit. Félicitations au maire Jean-Paul L’Allier pour les projets financés qui permettent aux jeunes de prendre leur place. Espérons maintenant que les nouveaux maires, Marc Bureau à Gatineau et Andrée Boucher à Québec, ne feront pas comme à Montréal lors de l’arrivée de l’équipe de Gérald Tremblay en 2002 et qu’ils sauront garder intact ces projets et les bonifier avec les années.
L’abandon des murs autorisés
Après s’être fait damer le pion par Gatineau et Québec, l’administration de la Ville de Montréal se contente d’effacer les graffitis et d’appliquer le règlement. Il reste encore sept murs autorisés. Des reliques de l’ancienne administration. Sans entretien et laissés à eux-mêmes, nous ne pouvons même plus y référer les nouveaux graffiteurs. Montréal est devenue une ville fantôme pour les jeunes graffiteurs.
La présence du Café-Graffiti permet aux organismes communautaires à travers le Québec de s’informer et de profiter de l’expérience montréalaise. Des liens ont été créés entre les jeunes de Montréal et ceux des régions. Que ce soit le Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec ou l’Estrie, des villes telles que Fermont, Victoriaville, des administrations s’impliquent et aident les jeunes à prendre leur place.
Lorsque je suis invité à Québec pour rencontrer les jeunes et leurs intervenants, lorsque j’entends parler de projets comme ceux de Gatineau, je me questionne sur notre présence montréalaise.
Dans nos activités de travail de rue auprès des jeunes, nous avons remarqué que la majorité des jeunes dans le centre-ville de Montréal proviennent des régions (60%). J’ai le goût de dire aux jeunes des régions de rester dans leur patelin. Le gazon peut sembler plus vert et plus attirant chez le voisin.
Et pourtant. Si j’étais un jeune d’une région et que je voulais m’exprimer, avec ce que je vois et ce que je sais aujourd’hui, je resterais dans ma région et je mobiliserais les autres jeunes autour de moi.
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