
Pas facile de rencontrer une jeune fille qui a participé à la vie d’une gang de rue! Non seulement sont-elles rares, mais les centres doivent respecter les lois sur la protection de la jeunesse qui visent à préserver leur anonymat jusqu’à l’âge de 18 ans. Malgré tout, j’ai la chance aujourd’hui de rencontrer Océane (nom fictif), qui m’impressionne par son calme. Dans ce lieu où l’on veille sur elle, Océane manifeste un grand besoin de confier son expérience et espère que cela permettra à d’autres jeunes filles de bien se protéger.
Les gens qui l’entourent semblent reconnaître ses forces. La directrice m’a même avoué l’admirer «pour le chemin qu’elle a fait». Malgré tout, on ne peut s’empêcher de remarquer l’épaisseur des murs qui la protègent. Mais pourquoi toutes ces lois et ces précautions? D’un côté, il faut éviter les représailles, de l’autre, éviter de dévoiler trop brutalement un passé de violence et de
prostitution qui peut être difficile à assumer pour une jeune fille de 15 ans.
Marie-Hélène Proulx: Comment la gang de rue t’a-t-elle approchée?
Océane: Lorsque j’avais treize ans, mon père est entré en prison. Ma mère s’est fait

un nouveau chum qui m’a fourni de la cocaïne. Ensuite, j’ai rencontré un garçon qui faisait partie d’une gang de rue. Il avait 17 ans, il prenait soin de moi et me fournissait de la
drogue.
J’ai commencé à passer de la
drogue pour lui et sa gang à l’école. Au début, c’était facile. Je me foutais des conséquences. Je pense que j’aimais ça le trouble. Je me suis mise à consommer toujours plus. Deux mois après avoir connu mon chum, j’ai dû quitter l’école parce que ça n’allait plus du tout.
MHP: Avec ta mère, comment est-ce que cela se passait?
O: Avant, elle me voyait comme une petite fille modèle. Même si ce n’était pas facile pour nous, j’étudiais et je passais dans toutes les matières à l’école. Puis elle a trouvé de la
drogue dans ma chambre. On a commencé à se chicaner. Un intervenant est venu pour nous réconcilier, mais cela n’a pas marché. J’ai commencé à faire des fugues.
MHP: Comment la gang de rue t’a-t-elle accueillie?
O: Au début, j’étais la petite préférée. Il y avait beaucoup de garçons. J’avais besoin d’une présence masculine. Et puis, ces gars-là savent se donner un air intéressant. On n’exigeait rien en retour. J’ai su montrer que j’étais une dure.
J’allais battre les filles qui ne payaient pas leur
drogue. Sur le coup, je considérais que ces filles-là le méritaient. Pourtant j’haïs ça la violence. Je me battais parce qu’on me le demandait. Je me droguais pour en être capable.
Je me sentais obligée de le faire parce qu’on me le disait. Je savais que dans un gang de rue, c’est très important d’être fidèle au groupe, pour que les autres savent que tu ne les trahis pas. Parfois, il y a même des gars qui sont obligés de tuer pour la gang.
MHP: De quoi vivais-tu avec la gang de rue?
O: Il y en a qui se contente de vendre de la
drogue. Moi, je consommais trop pour cela. Mon chum m’a proposé de me
prostituer. Il me répétait aussi qu’il m’aimait quand même. J’ai cru que cela pourrait être un travail comme un autre. Et puis, je ne faisais cela qu’avec des gars du gang de rue. Ils étaient jeunes. Cela me paraissait bien moins pire qu’avec des vieux.
MHP: Qu’est-ce qui t’a motivée à sortir du gang de rue?
O: Je me faisais de moins en moins respecter. Dans un gang de rue, c’est la règle. Au début, il ne faut pas toucher aux nouvelles blondes, que ce soit pour les battre ou pour coucher avec. Ils agissent comme cela le temps que la fille sente qu’elle doit rendre ce qu’elle a reçu.
Je devais parfois coucher avec trois ou quatre gars à la fois et ils ne faisaient pas toujours attention pour les maladies. Si je voulais arrêter, ils me battaient. Ils n’auraient pas dû me traiter comme ça. Après tout, j’étais une
prostituée, pas une pute…
MHP: Quelle est la différence entre une prostituée et une pute?
O: Une
prostituée, c’est organisé, elle a un appartement et elle fait partie d’une gang de rue alors qu’une pute c’est dans la rue et ça le fait avec n’importe qui. Avec le temps, j’ai réalisé que c’est peut-être la même chose, au fond…
MHP: Comment es-tu sorti du gang de rue?
O: Les Centres jeunesse m’ont pris en charge à cause de mes problèmes de
drogue à 14 ans. Je crois que c’est la meilleure chose qui pouvait m’arriver, même si des amis de mon chum m’ont fait des menaces. Cela ne m’a pas empêchée de quitter le Centre pour aller les retrouver.
MHP: Comment s’est passé ton retour?
O: En revenant, j’ai commencé à m’occuper d’organiser la
prostitution, dans un réseau de filles à part. Les garçons nous fournissaient encore des filles, mais moi aussi, j’ai trouvé des fugueuses auxquelles j’ai proposé mon aide. Elles ne voulaient pas se retrouver toutes seules.
MHP: Lorsque les filles s’organisent entre elles pour la prostitution, est-ce que les choses se passent différemment?
O: Oui, on prend soin les unes des autres, on est moins violentes. Plutôt que de battre les filles, je leur donnais moins d’argent si elles ne travaillaient pas bien. Je crois que des gangs de rue composés de filles comme ça, il y en aura de plus en plus, parce qu’elles ont besoin de groupes où elles se sentent reconnues et où l’on fait attention à elles.
MHP: Et pourquoi as-tu décidé de sortir de la prostitution?
O: Au début, je pensais que j’étais entourée de gens qui m’aimaient, mais finalement ce n’était que des rencontres. Je crois que si mon chum m’avait vraiment aimée, il ne m’aurait pas demandé de me
prostituer. Un jour, je me suis battue avec une fille de mon gang et je suis partie.
MHP: Quels sont maintenant tes projets?
O: J’ai repris l’école. J’aimerais devenir intervenante en toxicomanie et je voudrais avoir ma maison en Amérique du Sud. Il faudra que je travaille fort … Je trouve ça difficile parce qu’à l’école je suis seule avec mon secret. Autour de moi, il y a des jeunes qui font les durs avec leur look de gangster et qui ne savent même pas ce que ça signifie et où cela peut les mener. S’ils savaient…
Merci Océane, pour tous ces secrets que tu acceptes de nous offrir. Il ne me reste plus qu’à te souhaiter que, le temps faisant son œuvre, tu puisses de nouveau te balader librement dans les rues de Montréal ou d’un pays lointain sans ne plus jamais craindre de représailles.
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Michel Dorais, sociologue a publié un livre sur les filles dans les gangs de rue avec l’Université McGill: Gangs and girls. Il avait déjà publié le livre: Jeunes filles sous influence: prostitution juvénile et gangs de rue.

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Bonjour Décurion. Il m’est difficile de recevoir un commentaire basé sur un texte sans voir tout le travail d’intervention que nous faisons. N’oubliez pas que nous sommes en contact avec les gens qui témoignent sur une grande période et que cela ne se limite pas à une simple entrevue.
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C’est évidemment triste, mais à 15 ans, on n’est pas une jeune fille, mais une gamine, et dans le cas présent une gamine droguée et paumée, qui n’est pas encore libérée de ses démons puisqu’elle navigue entre phantasme et réalité. En écrivant son histoire, vous ne lui rendez pas service, tout au contraire. En écrivant, vous avez contribué à un scénario, qu’elle devra respecter dorénavant. Dans l’histoire que vous nous racontez, elle ne s’assume pas complètement, et c’est un handicap qui empêche de faire une croix sur le passé et repartir sur des bases saines.
Je ne comprends pas que l’on vous ait permis d’ approcher cette gamine,et laisser jouer un rôle pour lequel vous n’êtes apparemment pas qualifié.
Vous êtes peut être un bon journaliste, mais là pour le coup, vous êtes à côté de la plaque.
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Merci M. Blanchard pour votre témoignage.
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L’histoire d’Oceane est malheureusement monnaie courante. J’en connais de bien plus sordides pour travailler contre le trafic des femmes et des enfants en Asie du Sud Est.
Des millions de femmes tous les ans ne s’en sortent pas aussi bien, mais comme ce sont des asiatiques ou des filles de l’est c’est moins grave et on en parle beaucoup moins et pourtant ce sont les greniers à filles pour l’approvisionnement des bordels du monde entier.
Nous venons de rapatrier 20 Thaïlandaises de Grande Bretagne et sommes en train de rapatrier 4 Malaisiennes de France toutes victimes du trafic sexuel.
En avez vous entendu parler dans vos journaux ?
On récupère des victimes vietnamiennes dans le monde entier. La plus jeune n’avait pas 6 ans.
Et comment croyez vous que ces jeunes femmes pour la plupart leurrées parviennent à traverser les frontières avec des papiers en règle.
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Bravo pour le courage de témoigner. C’est poignant.
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Le Canada français a enfin succombé à la mode us, celui du gang, et à la mode sud – américaine…
oui, oui, je suis cynique…..
Bravo pour votre travail courageux.
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Bonjour Raymond, témoignage poignant et article à faire lire par ceux qui souffrent sans savoir pourquoi, et ceux qui participent à dégrader notre société par leur lâcheté, leur complicité tacite, et leur indifférence navrante.
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Témoignage poignant… Merci à l’auteur pour cet article.
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Bonjour Tayna.
C’est vrai qu’un gang est une fraternité, une nouvelle famille. Est-ce que cette famille correspond vraiment aux principes et aux valeurs qui t’habitent? N’y a-t-il pas d’autres sortes de familles qui peuvent nous soutenir et nous offrir un milieu de vie qui correspondent à nos aspirations les plus profondes?
Raymond.
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Les gang de rue sons un bouer de softage pour beaucoup qui on tout perdu dans la vie famille,ami(e),personne quil aime les gang de rue vous enlerve votre vie et vous en redonne une nouvelle ce que tu dit a coin de rue faut pas le dire ailleur jmappel tayna9BIG TY) et a tout seux qui sont dans des gang je vous comprend et je parle pas exsperience je nes que 13 ans et je suis dans la situation de tout ses jeune qui sont dans des gang
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Vous avez raison M. Bernard. Nous devons, en tant que société, réagir et être présent auprès de tous nous citoyens.
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L’incroyable violence avec laquelle ils agissent, leurs arrogances et leurs complets mépris vis-à-vis la population civile ainsi que l’impitoyable avilissement qu’ils emploient contre les femmes en font une situation dangereuse.
Il faut que nous réagissions, et pour ce faire, nous devons le faire socialement en rassemblant l’ensemble des forces humaines de notre société. Aucun parents, qu’importe sont origine culturelle, raciale ou économique ne peut demeurer insensible au fait de l’exploitation sexuel de leur fille, de la criminalisation de leurs enfants, ou d’abus commis sur un membre de leur famille.
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